'Les freins sont d'abord dans les têtes'
Eléna Fourès vient de publier « leadership au féminin ». Cette consultante internationale spécialiste de la gouvernance multiculturelle, intervenant dans de grands groupes, donne aux femmes des clés pour évoluer dans leur vie professionnelle. Selon Eléna Fourès, les obstacles sont d'abord dans les têtes des femmes. Elle leur montre les cheminements à prendre, les comportements à modifier, les codes qu'elles doivent s'approprier. Elle s'adresse aux entreprises qui ont aussi grand intérêt à prendre en compte l'apport spécifique du travail au féminin.
Vous venez de publier « Leadership au féminin ». Qu'est-ce qui vous a amenée à réaliser cet ouvrage ?
Eléna Fourès : Je travaille sur la gouvernance multiculturelle et ma clientèle est essentiellement masculine. La loi sur la parité et l'évolution de la société vont modifier les mentalités, les structures et les modes de fonctionnement des entreprises. Les femmes bien que très présentes dans le monde du travail, sont sous-représentées dans les instances de décision. Celles qui parviennent aux sommets ne sont pas toujours à l'aise. Celles qui aspirent à gagner en séniorité, doivent apprendre à grandir pour accéder aux postes espérés. « Leadership au féminin » est un guide et un mode d'emploi pour elles.
Vous dites que les hommes et les femmes n'ont pas les mêmes comportements dans la vie professionnelle et plus précisément à l'égard de leur métier. Quelles sont ces différences ?
Eléna Fourès : Chaque individu s'appuie sur trois côtés: la personne, l'expertise, la fonction. Sans entrer dans les caractéristiques personnelles, le « dosage » entre fonction et expertise diffère. Les femmes investissent l'expertise, les hommes la fonction. Le leadership est du ressort de la fonction. C'est dans ce domaine que les femmes ont souvent du mal à s'adapter.
Plus concrètement ?
Eléna Fourès : La femme cherche à tout faire, et à bien le faire. Elle n'accepte un poste que lorsqu'elle maîtrise 95 % des compétences requises,
Elle fonde sa légitimité sur ce qu'elle fait. Elle a besoin d'être reconnue pour ses actes. Elle veut faire des miracles et court derrière les miracles à faire. Un vrai tonneau des Danaïdes. Elle est une formidable experte. Mais c'est là que ses qualités risquent de jouer contre elle, dans des situations où c'est le comportement de leader qui doit prévaloir.
Par exemple ?
Eléna Fourès : Un DRH, me parlant d'une femme membre d'un COMEX (comité exécutif) commentait ainsi sa présence : « elle n'a pas compris que les gens sont là pour briller et pas pour faire. Le président dit que c'est désespéré. Son côté opérationnel énerve les gens ! ».
Comment expliquez-vous cette difficulté à entrer dans la fonction de leader ?
Eléna Fourès : Il y a ce que j'appelle des « virus mentaux ». Les parois de verre —, ou plafond de verre —, sont d'abord dans la tête. La femme a peur. Les motifs ? Ils sont de tous ordres. Le pouvoir est sale. On va vous manger toute crue. On s'abrite derrière un homme qui va protéger. On ne se sent pas capable. On a besoin de validation. L'expertise au contraire rassure. On est ce que l'on fait. La femme le fait très bien.
Aux abords du pouvoir, quels sont les pièges à éviter ?
Eléna Fourès : Le pouvoir a ses codes : vouloir y prendre sa part implique de les reconnaitre et d'en tenir compte. Si on ne joue pas avec les règles du milieu, le milieu censure et sanctionne. Et là tout est signe. Tout est message. La coiffure, les chaussures, le stylo sont des marqueurs. Des attitudes de simplicité pour les unes —, régler soi-même un projecteur ou passer des tasses de thé —, apparaissent pour les autres comme des signes de subordination. En haut de la montagne de pouvoir, l'oxygène est rare, le milieu hostile. Si vous ne respectez pas les règles, on vous prend pour un gibier !
Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui veulent être leader ?
Eléna Fourès : Il faut d'abord qu'elles améliorent leur estime de soi. Elles sont souvent injustes envers elles-mêmes. Il ne faut pas qu'elles attendent d'être reconnues ou aimées. Quand on est leader, on ne fonctionne pas dans le registre de la dépendance affective l. Elles ne doivent pas se focaliser sur ce qui ne va pas, mais passer dans un autre mode « je suis excellente, même si je fais des erreurs ». Il faut travailler son appartenance au pouvoir.
On n'aurait donc plus qu'un seul mode, c'est celui imposé par les hommes ?
Eléna Fourès : On constate des évolutions. Les femmes commencent à s'organiser entre elles. Parfois les hommes en ont peur. On voit s'amorcer des mouvements qui partent de la base et vont vers les sommets. Elles font signer des chartes de la diversité. Elles commencent à réseauter. Elles font cela avec beaucoup de générosité. C'est un éveil de la conscience politique. Il est vraisemblable qu'un « standard de leadership féminin » va émerger, fait de valeurs féminines : efficacité, humanisme, équilibre vie professionnelle et vie personnelle.
« Leadership au féminin » est disponible auprès des Editions PROGRESSOR, http://www.editionsprogressor.com
--Les illustrations sont de Jean-Claude Dejean.
-->> Lire aussi la biographie d'Eléna Fourès
--Les illustrations sont de Jean-Claude Dejean.
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