Claude Monet et floraisons de Giverny

Tandis que les expositions Claude Monet se multiplient à l'occasion du 170ème anniversaire de la naissance du peintre, la Fondation Claude Monet Giverny invite à découvrir et admirer les floraisons de Giverny et les toiles de l'artiste, passionné par le jardinage autant que par les couleurs.

Claude Monet a vécu de 1883 à 1926, soit près de quarante-trois ans, dans sa maison de Giverny. Quand il s'installe à Giverny, le 29 avril 1883, il se prend de passion pour le jardinage. Le Clos Normand d'abord, puis à partir de 1890, le Jardin d'Eau, témoigneront de son engouement pour les plantes mais aussi pour leur « mise en scène » où il révélera une extrême originalité, réalisant deux jardins qui ne ressembleront à nul autre. S'entourant des conseils avisés d'un Georges Truffaut, échangeant ses expériences avec ses amis Gustave Caillebotte ou Octave Mirbeau, tous deux habiles jardiniers, fervent lecteur des catalogues des pépiniéristes, courant les expositions de plantes et les jardins botaniques, Claude Monet invente des jardins qui évoquent sa peinture, toujours en mouvement, où la lumière révèle les couleurs en vibrations continuelles.

Peu à peu abandonnés à la mort du peintre, les jardins seront restaurés à partir de 1977 avant d'être ouverts au public le 1er juin 1980.

D'avril à octobre, les jardins offrent une succession de floraisons remarquables. Bulbes, annuelles, bisannuelles, vivaces de printemps et d'été, nymphéas, arbustes à fleurs, rosiers, pivoines, vivaces et feuillages d'automne, ce sont des milliers de variétés végétales qui rythment la vie de ces jardins extraordinaires. Ici, le visiteur est convié à une expérience unique, celle de pénétrer au cœ,ur même de l'imaginaire du peintre.

Monet et les agapanthes

Les longues hampes florales de l'agapanthe, qui portent à leur tête une ombrelle
de petites fleurs bleues et blanches, enchantent par l'élégance de leur maintien.
Originaires d'Afrique et d'Australie, les Agapanthus sont généralement classées
dans la famille des Liliacées. Leur nom signifie «fleur d'amour » en grec.

Les agapanthes font partie des variétés sélectionnées par Monet pour le jardin
d'eau. En observant les deux toiles intitulées « Les agapanthes » et «Nymphéas
et agapanthes », on comprend que ces boules de fleurs bleues, qui font écho aux
feuillages des nymphéas, aient séduit le peintre par leur gracieuse simplicité.
Une troisième oeuvre intitulée « Le parterre des agapanthes » est également
mentionnée dans le catalogue raisonné de l'artiste (collection particulière).

Les agapanthes fleurissent en juin et en juillet. Leurs tiges, qui peuvent atteindre
un mètre de hauteur, surgissent des massifs en bordure du bassin du jardin
d'eau.

De la famille des Liliacées, les hémérocalles sont communément appelés « lis d'un jour ». En effet, leurs fleurs
ont l'élégance des lis, même si leur feuillage est très différent. Éphémères, les fleurs se fanent à la tombée du
jour et laissent la place à d'autres dès le lendemain matin. Leurs teintes varient entre le jaune et le rouge foncé,
en passant par le rose et l'orangé.

Monet et les hémérocalles
Claude Monet a représenté des hémérocalles dans deux oeuvres « Les Hémérocalles et Hémérocalles au bord de
l'eau » (vers 1914-1917). Selon le catalogue raisonné de Daniel Wildenstein, cette fleur a été identifiée par un
sous-directeur du laboratoire de phanérogamie comme une « hémérocalle à fleurs rouges, originaire de Chine,
très fréquemment cultivée au début du XXème siècle. »

Dès les premiers jours de juin à fin juillet en fonction de la météo, on peut admirer des hémérocalles au bord du
bassin aux nymphéas.

Monet et les nymphéas

Les nymphéas (nénuphars) sont des plantes aquatiques
vivaces originaires des étangs européens. La famille des
Nymphéacées compte près de cinquante espèces,
persistantes ou caduques, nocturnes ou diurnes. Les
feuilles flottantes et rondes sont fendues à la base et les
fleurs se déclinent dans de multiples coloris (blanc,
crème, jaune vif, orange, rose, rouge, bleu, pourpre...).

UN PEU D'HISTOIRE

Les nymphéas doivent leurs noms aux divinités grecques et romaines des eaux. Plus poétique que « nénuphar »,
Monet a préféré retenir ce nom pour décrire les fleurs qu'il aimait tant.

Après avoir été toute sa vie un peintre « fou des fleurs », Claude Monet a passé ses dernières années à vouer un
véritable culte à une seule d'entre elles : le nymphéa. Ces corolles se reflétant sur la surface de l'eau l'ont fasciné
et il n'a eu de cesse de chercher à en traduire les effets lumineux dans sa peinture. Dès le matin, il venait au bord
de l'étang et contemplait le paysage pendant des heures avant de commencer à peindre. Félix Breuil, son chef
jardinier, a raconté : « nous avions des nymphéas blancs, jaunes, rouges (...), des bleus aussi, espèces exotiques
préparées en serre ». Les jardiniers de l'époque nettoyaient l'étang tous les jours et coupaient les feuilles pour
conserver l'aspect circulaire des plantes, qui provenaient du pépiniériste Latour-Marliac.

Les nymphéas fleurissent tout l'été, de fin juin à fin septembre, mais les plus beaux mois pour les admirer sont
juillet et août.

Monet et les glaïeuls

« Les cinq mille glaïeuls ont de belles pointes vertes. Quand ils diront papa, peut-être les entendrez-vous. »
Clemenceau à Monet
Les glaïeuls (Gladiolus) appartiennent à la famille botanique des Iridacées. Originaires d'Afrique et d'Asie, ils
comptent plus de 200 espèces et de nombreux hybrides. Leurs feuilles, en forme de glaive, peuvent atteindre un
mètre cinquante.

Graphiques et de couleurs éclatantes, les glaïeuls sont présents dans de nombreuses oeuvres de Monet. Dans la «
Terrasse à Sainte Adresse (1867), ils sont déjà représentés au milieu des fleurs de la fin de l'été. Dans « Les
Glaïeuls » (1876), ils sont le véritable sujet de la toile, qui représente Camille, déjà malade, debout dans le jardin.
Cette gerbe rouge, associée aux géraniums qui bordent le massif, illustre certainement la façon dont Monet
aimait cultiver ces fleurs. Enfin, en 1878 et en 1881, le peintre peint à trois reprises des bouquets de glaïeuls, dont
une composition avec lis et marguerites.

Les glaïeuls de Giverny (principalement des variétés
naines comme le glaïeul nanus ou le glaïeul de Colville)
fleurissent tout l'été dans le clos normand

Monet et les tournesols

De la famille des Astéracées, les « soleils » ont été baptisés Helianthus annuus L. par les botanistes. Le mot
tournesol est une traduction de son nom italien girasole : qui tourne avec le soleil. Ces grandes plantes annuelles,
cultivées pour leur huile, peuvent atteindre 4 mètres de hauteur dans les jardins, où elles poussent facilement
dès la fin de l'été.

L'intérêt de Monet pour les tournesols se manifeste dès les années 1880-1881, dans quatre toiles qu'il peint dans
son jardin de Vétheuil. Dans « Le Jardin de l'artiste à Vetheuil » (1880) ou « Parterres de fleurs à Vétheuil » (1881),
ces grandes fleurs jaunes attirent le regard et donnent l'impression d'être le vrai modèle de l'artiste. En 1890,
Monet peint un portrait de sa chère Suzanne assise à côté d'un vase de tournesols, qui semblent lui auréoler la
tête. Les « soleils » sont aussi représentés dans les panneaux floraux réalisés pour Durand Ruel.
A Giverny, Monet aimait les planter dans des endroits inattendus pour surprendre ses invités. Mirbeau les a
d'ailleurs décrits avec admiration : « Les vertigineux soleils
tournent leurs disques jaunes, flambent et rutilent, et les hautes
touffes des harpaliums versent l'or continu de leur inépuisable
floraison ».

D'août à octobre, les tournesols apportent de la hauteur aux
massifs du clos normand. Ils sont incontournables jusqu'à la
fermeture du jardin.

Monet et les chrysanthèmes

Originaires d'Asie, les chrysanthèmes sont le symbole de l'éternité en Chine et celui de la famille royale au Japon.
L'étymologie de leur nom, qui signifie « fleur d'or » en grec, fait référence à la beauté et à la générosité de leur
floraison spectaculaire en automne. S'ils sont trop souvent associés à la Toussaint en Europe, les chrysanthèmes
méritent d'être redécouverts pour leurs centaines de variétés de multiples coloris.

A la fin du XIXème siècle, de nombreuses variétés de chrysanthèmes ont été importées en France du Japon et de
Chine. En 1878 et 1882, Claude Monet en peint plusieurs bouquets puis recherche des variétés rares pour son
jardin de Giverny. Il fait ensuite l'acquisition d'une estampe japonaise d'Hokusai représentant des chrysanthèmes
très stylisés et une abeille, que l'on peut toujours voir dans le cabinet de toilette, au premier étage. Ce n'est qu'à
partir de 1897 et 1898 que les massifs de chrysanthèmes vont l'inspirer pour une série de toiles qui le mènent à
une géométrisation proche de l'abstraction.

En septembre et octobre lorsque les fleurs
estivales se font rares, des chrysanthèmes de
toutes les couleurs prennent le relais dans le
clos normand.

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Par Nicole Salez