Molly Johnson: Lucky

Dans cet album, la chanteuse Molly Johnson met sa voix caractéristique et ses goûts musicaux pluriels au service d'une dizaine de standards majeurs : compositions des plus grands jazzmen, airs de comédie musicale, mais aussi quelques surprises qui en disent long sur le talent d'interprète et de compositrice de cette séduisante métisse canadienne.




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Titres

Lucky (Molly Johnson, Steve MacKinnon)
- Ode to Billy Joe (Bobbie Gentry)- (In My) Solitude (Duke Ellington, Irving Mills, Edgar De Lange)- Whatever Lola Wants (Richard Adler, Jerry Ross)- Lush Life (Billy Strayhorn)- Mean To Me (Fred Ahlert, Roy Turk)- April In Paris (Vernon Duke)- I Got It Bad (Duke Ellington)- It Ain't Necessarily So (George Gershwin)- Gee Baby, Ain't I Good to You (Don Redman, Andy Razaf)- I Loves You, Porgy (George Gershwin)- If I Were A Bell (Frank Loesser)

1. Lucky (Molly Johnson, Steve MacKinnon)
Ce timbre avec un rien d'éraillement faubourien, cette couleur de voix qui fait le pont entre les légendaires clubs de
jazz de Manhattan et les scènes de Broadway, c'est bien Molly Johnson. Et cette mélodie gouailleuse avec le refrain qui
semble danser des claquettes, c'est un classique d'une comédie musicale, forcément. Euh... non. Molly Johnson a écrit avec
Steve MacKinnon cette déclaration d'amour à la vie et à son métier.

2. Ode to Billy Joe (Bobbie Gentry)
Un classique qui traverse les époques, les genres et les styles, mais exige un aplomb et un sens du romanesque hors
du commun. Loin du dépouillement faulknérien de la version originale de Bobbie Gentry en 1967, la version swing d'un drame
d'amour. L'enjouement des musiciens et l'entrain de Molly Johnson accentuent encore la dimension tragique de l'histoire de
Billy Joe se jetant du pont de la rivière Tallahatchie.

3. (In My) Solitude (Duke Ellington, Irving Mills, Edgar De Lange)
Un des standards les plus déchirants de Duke Ellington, visité depuis sa création par Ivie Anderson en 1934 par toutes
les spécialistes du drame solitaire, de Billie Holiday à Nina Simone. Vous a-t-on dit que Molly Johnson est pudique ? Elle aborde
la chanson en femme d'aujourd'hui, plus déterminée que victime, plus matter of fact que pathos.

4. Whatever Lola Wants (Richard Adler, Jerry Ross)
Qui se souvient de Damn Yankees, comédie musicale de 1955 qui n'a jamais traversé l'Atlantique ? Il en est sorti
Whatever Lola Wants une de ces chansons de Broadway interprétée par Xavier Cugat, Sarah Vaughan,
Natacha Atlas ou Louis Jordan avant d'arriver chez Molly, où elle prend des couleurs de mambo sensuel autant que de
comptine jazz.


5. Lush Life
(Billy Strayhorn)
Avec une des plus belles ballades de Billy Strayhorn, Molly prouve combien elle appartient à cette tradition des
chanteuses qui remuent l'âme et le corps en frôlant tout ce que l'on interdit dans les écoles de chant. Ça frotte, ça râpe, ça
traine et on est bouleversé.

6. Mean To Me (Fred Ahlert, Roy Turk)
Bientôt quatre-vingt ans que ce standard se promène, et le voici insolent, badin, rosse, ironique comme jamais.

7. April In Paris (Vernon Duke)
Ah, notre chanson ! L'histoire d'amour des Français avec le jazz passe par cette déclaration d'amour à Paris —, une
musique qui nous aime comme ça ne peut pas être mauvaise... Et on sent bien, à l'émerveillement dans sa voix, que
Molly Johnson connait Paris, les quais de Seine et les petites places des vieux quartiers.

8. I Got It Bad (Duke Ellington)
Encore une chanson de femme victime sortie de l'alambic magique de Duke Ellington, et que Molly transforme en
numéro sardonique et crâneur.

9. It Ain't Necessarily So (George Gershwin)
Molly Johnson éclaire cette chanson de sombres
lueurs sensuelles, mais aussi d'une gravité très nord-américaine —, le texte discute la Bible, quand même !

10. Gee Baby, Ain't I Good to You (Don Redman, Andy Razaf)
Manières de chatte et oeil de velours, un grand numéro de séduction, avec au passage une démonstration d'excellence
du trio —, la précision des individualités, la dynamique phénoménale de l'ensemble lorsqu'il ralentit à l'extrême.

11. I Loves You, Porgy (George Gershwin)
La puissance du sentiment dans I Loves You, Porgy impose des interprètes d'élite. En voici une, précise dans la
lecture du thème et libre quant aux grands ancêtres.

12. If I Were A Bell (Frank Loesser)
Un dernier détour par Broadway ? 1950, la comédie musicale Guys and Dolls et la chanson d'amour d'une jeune
femme un peu saoule.




Biographie de Molly Johnson

Que se passe-t-il quand arrivent à l'âge adulte les enfants des années 60,
les enfants de l'utopie, les enfants de la fièvre ? Ils deviennent parfois Molly Johnson,
chanteuse qui transcende l'idée de frontières dans sa vie comme dans sa carrière.
Car, naître à l'aube des années 60 d'une mère blanche et d'un père noir ne manque pas
de sens, même au Canada.
A cinq ans, elle est déjà sur les planches, enfant prodige dans Porgy and Bess de
Gershwin monté dans un grand théâtre de Toronto, au côté de son frère Clark
Johnson (qui deviendra réalisateur de séries télévisées et acteur). Elle goûte quelques
années cette vie d'enfant-artiste, avant de s'orienter vers l'Ecole nationale de Ballet,
avec le rêve de devenir chorégraphe. Sa soeur Taborah joue dans un groupe r'n'b ? Elle
se retrouve, à quinze ans, interprétant ses propres compositions dans un groupe disco,
qui se transforme en 1979 en une formation « funky art rock », AltaModa, puis dix ans
plus tard en groupe de hard rock intello, The Infidels. L'un et l'autre groupe ont
enregistré un album salué par la critique, décroché de premiers tubes à l'échelle du
Canada anglophone.

Mais, en 1992, le couperet classique tombe : pas assez de
potentiel commercial, plus de contrat. The Infidels se séparent.
Ces années d'aventures musicales dans l'avant-garde rock ont aussi été des
années d'apprentissage personnel. Molly Johnson a découvert qu'en connaissant
quelques standards de jazz, on trouve toujours du travail. Elle n'a plus de projet
musical personnel mais continue, comme elle le fait depuis des années, à chanter dans
des clubs de jazz. Et, entre deux classiques des années 30-40, elle glisse des versions
jazz de tubes pop. Professionnellement, elle se lance dans la création d'un festival
caritatif au profit de la lutte contre le sida, Kumbaya
. En quatre ans, de 1992 à 1995,
elle va récolter un million de dollars. Et elle fonde une famille...

Alors qu'elle songe à abandonner toute ambition dans la musique, le compositeur et
producteur Steve MacKinnon lui propose d'écrire et d'enregistrer des chansons
originales. L'album Molly Johnson, avec Stéphane Grappelli en guest star, sort en 2000.
Entre le jazz des grands maîtres qu'elle n'a jamais cessé d'écouter, de
décortiquer et de chanter, et les accents de la pop gourmande du nouveau siècle, elle
fait vraiment découvrir sa voix. Car elle est autant enracinée dans les raucités du jazz
d'avant-guerre que dans les libertés les plus contemporaines, dans les
séductions intemporelles de Broadway que dans les chatoiements des tubes de MTV...
Avec l'album Another Day, enregistré trois ans plus tard, elle conquiert le public
français. Reggae, r'n'b, Billie Holiday, Sade, gospel et blues semblent emportés dans la
même passion de plaisir et d'élégance qui, dans les festivals du Sud et les clubs
parisiens —, puis à l'Olympia, un couronnement qui l'émeut —,, fait d'elle la coqueluche d'un
public qui déborde largement les contours du jazz. Succès d'estime un peu
partout en Occident, mais elle obtient une vraie réussite commerciale en France.
D'ailleurs, elle va chanter en français pour son disque suivant, If You Know Love, en
2006 —, compositions personnelles, George Gershwin, Streets of Philadelphia de Bruce
Springsteen...

2008 : Molly Johnson retourne aux fondamentaux. Dans l'album Lucky, elle
enregistre de grandes chansons classiques du jazz et de la grande variété américaine,
comme un hommage aux grandes voix et aux grandes plumes qui l'ont précédée et ont
façonné les splendeurs qui, depuis son enfance, nourrissent son inspiration.

- Molly Johnson
- Lucky
- Universal Music
- Sortie: novembre 2008
- Prix: 17,99 € à la FNAC


Musiciens:

- Molly Johnson —, Voix
- Mark McLean —, Batterie, Percussions et Glockenspiel, arrangement titres 3, 4, 5, 9, 10, 12
- Mike Downes —, Basse, arrangement titres 3, 5 ,6, 7, 8, 11
- Phil Dwyer —, Piano, Saxophone Ténor, arrangement titres 1, 2, 3, 5
- Ben Riley —, Batterie (3, 5, 6)

Album enregistré du 3 au 7 juin 2008 au Studio 211. CBC Studios. Toronto, Canada



Par Nicole Salez

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