Jalouse à en crever
Catherine Millet livre avec « Jour de souffrance » un roman douloureux et suffocant. Ecrit dans une très belle langue à la façon des « Liaisons dangereuses » ou des « Lettres de la religieuse portugaise », elle s'attèle disséquer la machine infernale de la jalousie.
Qui aurait pensé que Catherine Millet pouvait être jalouse ? Il y sept ans, dans « la vie sexuelle de Catherine M », elle se mettait à nue, prônant la liberté dans le couple , dévoilait sans pudeur ses comportements sexuels débridés. Comment pouvait-on s'imaginer qu'elle soit jalouse des aventures de son mari ?
C'est en découvrant par hasard le carnet intime de son compagnon, l'écrivain Jacques Henric que la machine infernale de la jalousie s'est enclenchée. Son compagnon révèle quelques aventures extraconjugales pourtant anodines face au mode de vie du couple. La jalousie commence son travail de destruction, de déséquilibre, de perte. « Jour de souffrance » détaille minutieusement voire cliniquement le mécanisme, les séquelles de la jalousie. Elle fouille les papiers de son mari, contrôle les allées et venues, les nœ,uds à l'estomac et les angoisses montent crescendo. Elle devient une spectatrice impuissante de « l'univers libidinal » de la femme trompée. 'Je ne rêvais plus ma vie sexuelle, je rêvais celle de Jacques ». écrit-elle.
« La jalousie est devenue en effet mon pain quotidien. C'est un enfer. Lui comme moi, on a pensé un moment qu'on ne s'en sortirait jamais. J'étais prisonnière de mes constructions imaginaires, de mes rêveries paranoïaques où j'imaginais Jacques avec d'autres femmes, que je ne parvenais pas à empêcher alors que j'avais parfaitement conscience qu'elles me faisaient du mal » explique t-elle au Nouvel Observateur (21 août 2008).
L'auteur s'enferme alors dans une spirale qui l'a conduite à se comparer à des tueurs ou violeurs en série. C'est comme une « boussole folle » qui agit et prend le dessus sous forme de violence. Les anxiolytiques ont diminué les angoisses.
Avec cette écriture élégante digne des salons du XVIIIe, elle cherche à montrer que l'hédonisme dépeint dans la « Vie sexuelle » n'empêche pas de tomber dans le piège effrayant de la jalousie et ne prémunit pas contre la douleur qui l'accompagne.
Qui est Catherine Millet
Critique d'art, cofondatrice (en 1972) et directrice de la rédaction du magazine Art Press, Catherine Millet est l'auteur de plusieurs essais sur l'art dont L'Art contemporain en France (Flammarion, 1987, rééd. 2005) ou Le Critique d'art s'expose (éd. Jacqueline Chambon, 1995). Son compagnon, l'écrivain Jacques Henric, est chroniqueur littéraire à Art Press. En 2001, elle publiait La Vie sexuelle de Catherine M. (Seuil). Le livre connut un succès considérable et fut traduit dans une quarantaine de langues (plus de deux millions d'exemplaires vendus, en France et à l'étranger). En 2005, paraissait son Dali et moi (Gallimard). Catherine Millet signe également la préface d'un livre de photos à tirage limité The Book of Olga, de Bettina Rheims (Taschen).
« Jour de souffrance »
-De Catherine Millet
-Ed. Flammarion
-266 pages
-19 €
Par
Ajouter un commentaire