Le succès de Khaled Hosseini avec «Cerfs-Volants de Kaboul», confirme l'intérêt des lecteurs pour cet auteur qui parle de femmes et de liberté. Un thème qu'il développe à nouveau dans Mille soleils splendides. Un subtil et poignant hommage aux Afghanes.
Après l'immense succès des Cerfs-volants de Kaboul, voici le nouveau roman de Khaled Hosseini. Sur fond de chaos et de violence dans un Afghanistan déchiré par cinquante ans de conflits, il raconte l'histoire bouleversante de deux femmes dont les destins s'entremêlent, un chant d'amour poignant à une terre sacrifiée et à une ville : Kaboul.
Forcée d'épouser un homme de trente ans son aîné, Mariam ne parvient pas à lui donner un fils. Après dix-huit années de soumission à cet homme brutal, elle doit endurer une nouvelle épreuve : l'arrivée sous son propre toit de Laila, une petite voisine de quatorze ans. Enceinte, Laila met au monde une fille.
Au départ, les deux épouses entretiennent des rapports complexes, comme si elles étaient en compétition. Mariam va finir par trouver une alliée en sa rivale. Elles se rendent compte qu'elles sont le jouet d'un tyran. Bien sûr, ce dernier, omnipotent, symbolise la société afghane et le sort réservé aux femmes. Mariam ne dit-elle pas : «De même que l'aiguille d'une boussole indique le nord, un homme qui cherche un coupable montrera toujours une femme du doigt»? Le pays, son histoire troublée, ses paysages, apparaissent en arrière-plan.
Extrait du livre
LE jour, la fille se faisait discrète , seuls les grincements occasionnels du sommier, quelques bruits de pas à l'étage, l'eau qui coulait dans la salle de bains ou une cuillère tintant contre un verre dans sa chambre venaient rappeler sa présence à Mariam. De temps à autre, celle-ci l'entreapercevait aussi qui remontait vivement l'escalier, les bras serrés sur sa poitrine, ses sandales claquant contre ses talons et le bas de sa robe tourbillonnant.
Mais il était inévitable qu'elles se croisent - dans le vestibule, la cuisine, ou encore près de la porte, lorsque Mariam rentrait de la cour. L'atmosphère devenait tendue alors. La fille rassemblait les pans de sa jupe dans une main et murmurait quelques mots d'excuse avant de s'éclipser - non sans rougir, notait Mariam lorsqu'elle hasardait un regard en coin dans sa direction. Parfois, elle sentait l'odeur de Rachid sur la peau de sa rivale. L'odeur de sa sueur, de son tabac, de son désir. Le sexe, par chance, était un chapitre clos dans sa propre vie. Cela faisait un moment déjà, et elle avait la nausée rien que de songer à ces moments pénibles qu'il lui avait fallu endurer autrefois, couchée sous lui.
Le soir, cependant, cette stratégie d'évitement mutuellement orchestrée n'était plus possible. Rachid affirmait qu'ils formaient une famille. Il le répétait souvent, même, en ajoutant qu'à ce titre ils se devaient de diner ensemble.
--Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il un jour en arrachant avec ses doigts des morceaux de viande collés à un os - il avait laissé tomber l'usage de la cuillère et de la fourchette une semaine après le mariage. J'ai épousé une paire de statues ou quoi ? Allez, Mariam, gap bezan, parle-lui. Où sont passées tes bonnes manières ?
Il suça la moelle de son os, puis se tourna vers la fille.
--Il ne faut pas lui en vouloir, tu sais. Elle est du genre silencieux. C'est une bénédiction, je t'assure, parce que quand on n'a rien à dire, le mieux est encore de se taire. Toi et moi, on est de la ville, mais elle, c'est une dehati. Une villageoise. Enfin, même pas tout à fait. Elle a grandi dans une kolba en terre à l'extérieur d'un village. C'est son père qui l'a mise là. Tu lui as raconté que tu étais une harami, Mariam ? C'est vrai, Laila. Mais elle a tout de même quelques qualités, quand on y pense. Tu le découvriras par toi-même, Laila jan. Elle est robuste, pour commencer, dure à la tâche, et sans prétention. En fait, si elle était une voiture, ce serait une Volga.
Mille soleils splendides
-de Khaled Hosseini
-Editions Belfond
- 21 €
- 416 p.
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