Hillary Clinton ou Barack Obama

Hillary Clinton, Barack Obama, comment choisir ?

La compétition aigüe entre Barack Obama et Hillary Clinton dans la course à l'investiture des Démocrates aux Etats-Unis a de quoi méduser les étrangers. Il s'agit en effet d'une double première : le premier noir et la première femme à briguer la présidence du pays. Qu'est-ce qui a pu se passer aux Etats-Unis, jusqu'ici le royaume des hommes WASP

*<*>White Anglo-Saxon Protestant
?

Les années Bush y sont pour beaucoup. Mi-cowboy, mi-patricien, Bush est le type même du WASP*, membre d'une vieille famille riche et puissante. Bientôt huit ans se seront écoulées depuis son élection plus que contestée, huits années pendant lesquelles les Américains ont vu leur pays plongé dans une guerre fondée sur le mensonge, rejeté par ses alliés et coupable aux yeux du monde entier d'avoir piétiné les traités internationaux et bafoué les droits de l'homme. Huit ans, c'était trop, du moins pour les Démocrates.


Le reflet de deux évolutions parallèles

Le besoin de changement radical, qui se fait sentir depuis longtemps, a ouvert le champ à des candidatures jusqu'alors peu probables, voire impensables. Sans doute, pour Hillary Clinton, le projet de devenir la première présidente des USA ne date pas d'hier, comme sa trajectoire de première dame des Etats-Unis à sénateur de l'Etat de New York semblerait l'attester. Et aujourd'hui, de plus en plus d'américaines se retrouvent dans cette ambition d'occuper des postes supérieurs. Mais comment expliquer le phénomène Obama?

Les statistiques sont parlantes : les “gens de couleur” (une catégorie fourre-tout qui englobe tous les citoyens qui ne sont pas “blancs”) représentent 26% de la population actuelle des États-Unis et sont majoritaires en Californie, au Texas, au Nouveau Mexique et à Hawaï. Ces mêmes “gens de couleur” constituent 90% des immigrés depuis soixante ans. De plus, la lutte pour les droits civiques au XXe siècle, menée essentiellement par la population noire, a pris un visage plus conciliant dans les années 1980-1990. Il faut dire aussi que progressivement les minorités sont devenues des sujets d'études universitaires et que la diversité des races et des ethnies est maintenant considérée comme une richesse culturelle.


Une nouvelle identité pour les Etats-Unis ?

Le charisme d'Obama, né d'une mére blanche du Kansas et d'un père kenyan, joue aussi un rôle indéniable. Dans un premier temps, la presse s'est réjouie à l'idée que l'Amérique soit enfin lavée de son “pêché originelle” d'esclavagiste, et réussisse à se construire une nouvelle identité transcendant les clivages raciaux du passé.

A en juger par les résultats des premières élections primaires, la réalité est plus complexe. Alors que les candidats ont des programmes électoraux très similaires et des comptes de délégués avoisinants, le parti démocrate est néanmoins divisé en deux camps. Selon les sondages, Hillary Clinton a le soutien des travailleurs blancs, des Hispaniques et des femmes blanches de plus de 50 ans. Barak Obama, quant à lui, a rallié les jeunes, l'ensemble des Noirs et les Blancs appartenant aux catégories socio-professionnelles supérieures.


Discrimination contre discrimination



A mesure que la campagne avance, les partisans d'Hillary et de Barack se polarisent de plus en plus. L'idée d'un partenariat, d'une “dream team”, s'est rapidement révélée... un rêve. Certaines femmes comme la grande féministe Gloria Steinem déplorent le “plafond de verre” qui freinerait la montée d'Hillary. Elles déclarent que le succès d'Obama est la démonstration même que la discrimination sexuelle est plus tenace que la discrimination raciale. Les supporters d'Obama rétorquent qu'un vote en faveur de Hillary Clinton serait en réalité un vote pour une présidence bicéphale, “Billary”.

Bien évidemment, tout cela est du pain bénit pour les républicains. Ils espèrent que la sénatrice restera dans la course pour leur offrir le spectacle a priori inattendu de deux candidats du changement se démolissant mutuellement et faisant ainsi imploser le parti démocrate. Il y a à peine trois mois, les républicains se voyaient battus d'avance. Maintenant, ils reprennent du poil de la bête et remplissent les caisses de leur candidat, John McCain, bien entendu, ni noir, ni femme, mais un homme WASP...

C'est à se demander si Slavoj Zizeck, philosophe et théoricien de la culture slovène, n'a pas eu raison d'affirmer, lors d'une émission récente de Democracy Now : “Il faudrait laisser tout le monde voter et choisir le gouvernement américain, sauf les citoyens américains.” A suivre...

Par Suzanne Green

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