Jean Teulé, avec ce « Charly 9 », livre un roman sidérant. Il fait de ce roi un anti-héros d'une terrible modernité.
« Charly 9 » ou l'histoire d'un roi de France unanimement détesté. A l'instar de l'anti-héros du roman d'Anthony Burgess, « Orange Mécanique », qui sème la terreur dans Londres, ses mains dégoulinent de sang. La couverture du livre est un clin d'œ,il évident à Alex, l'homme en blanc, à la canne et au chapeau melon. En effet, pressé par sa mère, Catherine de Médicis, il donne son accord pour le massacre des protestants, lors de la Saint-Barthélémy. Il va jusqu'à abandonner ses amis les plus proches qui se trouvent être des huguenots. Pour mémoire, l'amiral de Coligny, chef de file des réformés était son professeur et conseiller. Mais contrairement à Alex, c'est la faiblesse et la lassitude qui ont eu raison de ses réticences.
Descente aux enfers de l'année 1572
Bourrelé de remords, il sombre peu à peu dans une folie paranoïaque et destructrice. De petit roi falot, placé là un peu par hasard, il devient un sanguinaire se vautrant dans le sang. Chasses à courre improvisées dans les couloirs du Louvre, lâchés de lapins dans les appartements de sa maîtresse, village massacré pour un poisson d'avril insolent et innocent. Les voix du remord le hantent et lui susurrent à l'oreille sans répit aucun. Il finit sa courte vie en transpirant le sang, au propre comme au figuré.
Jean Teulé, dans un roman court et dense, livre sa version de ce jeune roi, devenu massacreur malgré lui. Il a opté pour un style qui mélange allègrement les locutions de la Renaissance et de son franc parler et le langage cru et direct d'aujourd'hui. Ce rapprochement donne une vigueur au récit qui s'écoule sans temps mort. L'entourage de Charly est peint sans fard. Nous ne dirons rien de la reine Catherine qui appelait son dernier fils adoré, le duc d'Anjou, futur Henri III, « Mes chers yeux », ce dernier qui n'a eu de cesse d'être roi. Cette reine mère intraitable avait truffé le Louvre d'une escouade d'espionnes à sa solde, appelée « l'escadron volant ». On découvre que le charmant poète Pierre de Ronsard, qui a bercé nos scolarités, est un intime du roi, qui se pique de poésie et s'est entouré d'une cour de poètes. Ce Pierre de Ronsard s'avère être un vieux cochon, trousseur de tendrons. De nos jours, il serait sans aucun doute qualifié de pédophile.
Ce roman, remarquablement documenté, les sources sont impressionnantes, est un régal , régal littéraire, la langue se savoure , régal romanesque, ce Charly 9, dans sa dérive incontrôlée, devient un personnage presque attachant, fétu de paille dans un univers politique et monstrueux qui le dépasse. Une incursion magnifique dans ce qui reste, dans la mémoire collective, comme un de événements les plus noirs de l'histoire de France, le massacre de la Saint-Barthélémy.
- Charly 9 , de Jean Teulé
- Editeur : Julliard
- Prix : 19 €
- 230 pages
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