Les terrils sont ces cônes de déjections des mines. Ils s’aperçoivent de loin en loin quand on vient en train à Lens… Ils ressemblent à des pyramides égyptiennes. Le Louvre Lens est ce bâtiment du XXIème siècle imaginé par l’agence d’architecture japonaise SANAA. Il luit à l’horizon et inscrit sous le ciel sa ligne de couleur acier qui exalte la forme plane et pure de la terre. Les murs du musée sont en verre. Ces frontières translucides scénarisent en tableaux successifs le paysage sujet aux lumières changeantes qui l’anime continuellement. Un double arc en ciel, le jour de notre visite se transforme en tableau mouvant.
Dans la Galerie du temps, on descend à pieds en pente douce pour remonter le temps, à travers les cultures et les époques artistiques pour combler notre mémoire collective d’images sculptées, dessinées, peintes, …
La Galerie du temps scénographiée par Adrien Gardère joue encore les paysages : immense espace sans cloisons, comme une forêt d’œuvres au milieu de laquelle le visiteur est invité à plonger, à circuler.
L’espace d’exposition temporaire, situé à l’opposé de La Galerie du temps, inaugure un nouveau cycle de trois expositions qui questionnent la question du vivant notamment de l’homme dans son environnement. Le premier volet porte aujourd’hui sur le paysage, viendront ensuite les animaux fantastiques et le monde sous-terrain achèvera cette trilogie.
Exposition Paysage-Fenêtre sur la nature © Louvre-Lens - Laurent Lamacz
La peinture, nous confie Marie Gord commissaire de l’exposition est un art plus difficile à appréhender que la sculpture ou même l’histoire des civilisations anciennes. Le parti pris d’une scénographie réalisée par Laurent Pernot plasticien et vidéaste est ludique et multi sensorielle.
Exposition Paysage-Fenêtre sur la nature 4 © Louvre-Lens
Se promener comme dans un paysage dans l’exposition.
Le parcours imaginé par Vincent Pomarède, Marie Lavandier et Marie Gord débute avec le chaos originel où l’on rappelle les croyances anciennes. Celles des divinités qui ont créé le monde, à commencer par les Egyptiens avec la cosmogonie d’Héliopolis qui raconte que le Dieu démiurge va séparer la voûte céleste Geb de la terre Nout pour créer un espace afin que les hommes puissent y vivre.
En Mésopotamie, la cosmogonie évoquée sur une tablette raconte l’histoire du chêne et du roseau, du ciel et de la terre qui se sont embrassés. De leur union est née la végétation.
Dans l’Antiquité, on compare les divinités qui créent le monde à des artistes. Les chrétiens vont comparer Dieu à un artiste, en utilisant cette métaphore antique et décrire la nature comme l’œuvre de Dieu. Le monde est son chef d’œuvre.
Les artistes par analogie deviennent dans l’imaginaire des Dieux à la Renaissance. En tant que Dieu, ils créent des mondes.
Nuages dans le ciel, Eugène Delacroix, vers 1850, aquarelle, Paris, musée du Louvre
© RMN Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado
Pour peindre un paysage on doit maîtriser chaque motif isolément : ciel, arbre, rocher, ciel, eau. Des manuels aident à leurs représentations. Ces motifs sont des esquisses, non considérées comme des œuvres à part entière dans la peinture classique. Les artistes les réalisent d’après nature souvent.
Au XIXème siècle, le célèbre photographe italien Caneva fait des photographies d’arbres pour servir les artistes peintres qui peignent en atelier et qui ne vont pas dans la nature.
Une fois les fragments maîtrisés ils seront assemblés pour former un paysage selon une syntaxe. A la Renaissance, la perspective euclidienne structure les paysages peints qui donne une sensation d’espace, le sentiment de la profondeur.
Un paysage est un morceau de nature inscrit dans un cadre »
Utagawa HIROSHIGE (Edo (actuelle Tokyo), 1797– 1858)
Série : Lieux célèbres des soixante et autres provinces ; Les collines d'Inaba Vers 1853-1856
Estampe Musée national des arts asiatiques – Guimet © RMN Grand Palais (MNAAG, Paris) / Harry Bréjat
Les peintres ont toujours regardé la nature, s’en sont nourris.
Les rochers de Belle-Île, la Côte sauvage, Claude Monet, 1886, huile sur toile, Paris, musée d’Orsay
© RMN Grand Palais (musée d'Orsay)-Adrien Didierjean
Les estampes japonaises vont inspirer à Monet de nouvelles compositions comme la juxtaposition abrupte des rochers, de la mer et du ciel. Il multiplie les touches circonflexes, en virgules de couleurs.
Près du tableau de Monet un film en noir et blanc tourné par les frères Lumière qui inventent le cinéma montre les mouvements de l’eau sur les rochers et nous permet la comparaison entre image fixe et image en mouvement.
Une surprise !
La boite de couleurs du peintre Corot.
Exposition Paysage-Fenêtre sur la nature 7 © Louvre-lens
Une pause !
La chambre noire et la chambre claire deux outils pour aider les peintres à figurer le paysage mécaniquement.
Chambre noire, Giambattista della Porta, vers 1750, Bois, verre, laiton © Musée des arts et métiers-Cnam, Paris / P. Faligot
La chambre Noire l’ancêtre de l’appareil photographique est une boîte obscure avec un orifice ou va s’introduire la lumière et inscrire sur un miroir oblique la vision de la nature qu’elle renvoie sur un support pour produire une image toute faite que l’artiste n’a plus qu’à recopier sur une feuille de papier. Ainsi, est faite son esquisse.
Peindre le Brésil et la Colombie comme on peindrait les Pays-Bas…
Paysage tropical, Frederic Edwin Church, vers 1855, huile sur toile © Madrid, Collection Carmen Thyssen
Le monde s’ouvre au voyage. Les peintres rapportent des paysages de l’ailleurs. En adoptant la perspective atmosphérique fondée sur les couleurs et valeurs les paysages racontent et abordent dans un style classique l’histoire du monde économique, politique et social à découvrir comme un Paradis Perdu. Ce tableau de Church, paysagiste américain de la deuxième génération, retranscrit des paysages tropicaux qu’il visite comme la Colombie.
Le printemps de Millet dans un halo de LED colorés
Le Printemps, Jean-François Millet, huile sur toile, 1868-1873, Paris, musée d’Orsay
© Musée d'Orsay, Dist. RMN$Grand Palais / Patrice Schmidt
Le soleil introduit la notion de temps qui passe et pose aussi la question de la lumière mouvante. Un scénario lumineux à l’aide de LED colorés illumine à l’intérieur d’un caisson la peinture de Millet enchâssée. Les LED font varier la mise en lumière du tableau.
Cette animation transforme les teintes du tableau. Elle permet aux visiteurs de regarder plus longtemps le tableau. Elle donne la sensation que la nature est sans cesse en mouvement. La nature n’est jamais figée. Ce dispositif remet en question le mode de présentation des œuvres qui n’a jamais beaucoup varié.
La lumière modifie la manière dont on perçoit les œuvres : en avoir conscience.
Avec les avant-gardes la représentation réaliste est moins importante que ce que l’on peut ressentir, rêver, imaginer.
Red, Yellow and Black Streak (Stries rouge, jaune et noir), Georgia O'Keeffe, 1924,
huile sur toile, Paris, Centre Pompidou © Centre Pompidou, MNAM CCI, Dist. RMN Grand Palais / Audrey Laurans
© Georgia O'Keee, ADAGP 2023
Des femmes artistes font partie de l'histoire du paysage sont présentées dans l’exposition Catherine Empis, Louise Joséphine Sarazin de Belmont, George Sand, Georgia O'Keeffe ou encore Joan Mitchell. La commissaire Marie Gord donnera une ciné-conférence sur « Les femmes et la peinture de paysages » le mercredi 10 mai à 18h, par Marie Gord.
Mais qu’est-ce qu’un paysage pour vous ? La Montagne, un morceau de montagne ? La mer, une vague ?
170 œuvres de Nicolas Poussin, Canaletto, Jean-Honoré Fragonard, Katsushika Hokusai, Utagawa Hiroshige, Camille Corot, John Martin, Catherine Empis, George Sand, Frederic Edwin Church, Jean-François Millet, Claude Monet, Vassily Kandinsky, Georgia O'Keeffe, Nicolas de Staël ou encore Joan Mitchell…, et deux espaces cinéma nous le disent…
Bonne promenade !
Angel Toutpourlesfemmes