Impressionnisme et audaces du XIX e siècle

La collection Nahmad, « Impressionnisme et audaces du XIXe siècle », présentée au musée Paul Valéry de Sète, brosse un extraordinaire panorama de la peinture française, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, mettant en lumière l'évolution de sa formidable richesse créative de. A voir jusqu'au 27 octobre.

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Beaucoup d'expositions sont en trompe-l'œ,il. L'accroche est alléchante et après deux heures de queue, dans la cohue et la bousculade, on peut admirer deux ou trois toiles qui font l'accroche aguicheuse de l'exposition. Pour le reste, des petits maîtres, des fonds de tiroir, et au final, le visiteur ne sait plus très bien ce qu'il est venu voir. L'exception faisant parfois la règle, la collection Nahmad au Musée Paul Valéry de Sète est un merveilleux contre-exemple.

Outre la qualité intrinsèque de chaque tableau exposé, l'exposition montre la richesse et la diversité de la création dans la France de la seconde moitié du XIXe siècle . Les naturalistes, les impressionnistes, les nabis et les symbolistes sont accrochés aux cimaises du musée sétois. Soixante-dix toiles remarquables pour mieux appréhender le foisonnement de cette fin de siècle.

Sous l'impulsion des frères Nahmad , la collection s'est constituée au cours des années 1950. Leur goût très sûr leur a permis de constituer une collection idéale qui va des années 1850 à la fin du XX ème siècle.

Depuis deux ans, les frères Nahmad ont accepté d'exposer l'ensemble de leurs collections dans des musées, ne se contentant plus de prêter au coup par coup une toile ou une autre. Au Kunsthaus de Zurich, est allée en 2012 leur collection moderne, de Monet à Miró. Au Grimaldi forum de Monaco, Picasso, depuis le mois de juillet. La collection Nahmad est la plus importante collection privée en la matière. Et au musée sétois Paul Valéry, «  Impressionnisme et audaces du XIX e siècle  ». Le tour de force de Maïthé Vallès-Bled, la conservatrice, est d'avoir obtenu gratuitement le prêt de ces œ,uvres.

Les Naturalistes, annonciateurs d'un foisonnement créatif

Le thème central de l'exposition est bien sûr l'impressionnisme. Mais la première salle, consacrée au courant naturaliste et à l'école de Barbizon, expose les précurseurs que sont Gustave Courbet, Camille Corot ou Jean-François Millet. Le paysage, la lumière du jour, les saisons, la vie des gens simples s'imposent comme éléments essentiels du tableau, en rupture absolue avec les canons néo-classiques, imposés par l'Académie. La brèche est faite, les Impressionnistes peuvent s'engouffrer.

Le premier, Eugène Boudin, plante son chevalet dans la campagne normande, au bord de la mer, saisissant au vol un nuage, une variation de la couleur de la mer, un ciel d'orage. Les petites coiffes blanches des paysannes vaquant à leurs occupations captent la lumière, illuminant ainsi une grève souvent grise. Claude Monet et Auguste Renoir peuvent entrer en scène.

Le premier va s'attacher à peindre des paysages, à saisir les reflets colorés d'une barque dans l'eau à Argenteuil ou d'un Palais des Doges à Venise. Grande nouveauté des Impressionnistes, les ombres ne sont plus grises ou noires, elles sont colorisées.

L'autre va, lui aussi, consacrer sa première période à peindre jardins, rivières, sous-bois, mais en plaçant toujours une silhouette humaine dans le décor. Car Auguste Renoir ne peut pas considérer la peinture sans la représentation de la figure humaine. Peu à peu Renoir s'éloigne du courant impressionniste et se met à peindre l'intimité de sa famille, ses enfants, son entourage, ses amis. L'ami de Monet et Renoir, le plus Français des Anglais, Alfred Sisley est lui aussi présent. Il s'était établi à Moret-sur-Loing et a inlassablement peint ces paysages de rivière et ces ciels d'Ile-de-France. On peut voir « La berge à Saint-Mammès », village où le Loing se jette dans la Seine. N'oublions pas Camille Pissaro, Edgard Degas ou Paul Signac.

Peu à peu, l'exposition permet de saisir l'évolution que subit la peinture sous l'influence des Impressionnistes. C'est l'école de Pont-Aven , où Emile Bernard brosse la vie quotidienne des petites gens, c'est Toulouse-Lautrec qui peint les femmes dites de mauvaise vie avec une tendresse et une vérité bouleversantes.

La peinture change d'objet. L'artiste devient affichiste, graveur, parfois sculpteur. Il a plusieurs cordes à son arc et entre de plain-pied dans l'art moderne. Les Nabis, prophètes en hébreu, jouent de l'abstraction du motif dans la représentation figurative. Cette «  Femme nue debout  » de Pierre Bonnard en est un parfait exemple. L'assemblage de ce corps réel, ferme et rond, tenant dans sa main ce qui semble être un déshabillé vaporeux, devant un paravent aux motifs décoratifs, est emblématique de ce courant. Rien de tape-à-l'œ,il. L'érotisme subtil qui se dégage de la toile vient sans doute du fait que le modèle, Marthe, la femme du peintre, tient la tête baissée, masquant ainsi son visage, dans une attitude que l'on peut interpréter de diverses façons, farouche, timide, pudique ou provocatrice.

Les marginaux

Suzanne et les vieillards, 1895 - huile sur toile, 81,3x66 cm

Trois électrons libres pour terminer la visite de cette exposition. Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau, qui ouvre la voie à l'art naïf, avec ses couleurs pétantes et ses perspectives aléatoires. La dernière salle est consacrée à la peinture symboliste, représentée par Odilon Redon et Gustave Moreau. Il est rare de voir réunies en une seul pièce autant d'œ,uvres de Gustave Moreau. L'inspiration en est antique ou religieuse. Mais les clins d'œ,il, les fautes de goût assumées, les représentations iconoclastes annoncent le surréalisme et Salvador Dali. Cette Suzanne , altière et marmoréenne, ne semble guère effrayée par les vieillards libidineux cachés dans l'embrasure de la porte. Ces flamands plus rouges que rouges rappellent la fleur délicatement posée sur le haut de la cuisse nue de la belle Suzanne. Toile en trompe-l'œ,il. Au jeu du qui domine qui, il n'y a aucune réponse claire.

Profitez des derniers rayons du soleil pour aller au musée Paul Valéry, l'exposition vit ses derniers jours. Elle fermera ses portes le 27 octobre. Et là, pas de queue aux caisses, pas de bousculade. Juste la sérénité et le plaisir de contempler des œ,uvres exceptionnelles.

Par Marie Catherine Chevrier