Tandis que se tient une rétrospective Pissarro au musée Marmottan Monet, la Réunion des musées nationaux-Grand Palais a ouvert au musée du Luxembourg une exposition consacrée aux deux dernières décennies de la carrière de l’Aîné du groupe Impressionniste.
Exposition Pissarro à Eragny au Musée du Luxembourg
Dans les pas de Pissarro
« En 1852, à 22 ans, incapable de tenir un jour de plus dans le bazar paternel à Saint Thomas où il était commis, il s’enfuit en laissant à ses parents un court billet pour leur expliquer sa décision de faire de la peinture. » Jean-Paul Crespelle : La vie quotidienne des impressionnistes, Hachette- littérature, 1980
Les débuts de Pissarro
Né à saint Thomas dans les Antilles danoises en 1830 Camille largue les amarres et arrive à Paris en 1855.
Il saisit l’aventure des impressionnistes en participant très régulièrement aux successives expositions si décriées de 1874 à 1886, date de la dernière exposition de groupe.
Monet, Renoir, Sisley,... chacun du nombre des impressionnistes, après 1886, prend son indépendance et développe ce qui les unit : la peinture de plein air et la représentation de la lumière à travers une palette claire. Chacun travaille son style et vend à des collectionneurs ou fait affaire avec d’importants marchands de peinture comme Durand-Ruel ou Georges Petit. Pissarro et son fils Lucien Pissarro qui fondera en 1894 en Angleterre Eragny Press avec sa femme Esther (une section de l’exposition est consacrée à ces élégantes publications) se rapprochent de la jeune génération de peintres dont Seurat est le chef de fil.
Pissarro est l’aîné des Impressionnistes
Au début de l’exposition, des photographies très vivantes reflètent sa vie de famille à Eragny. Cette galerie des visages, ceux des siens donne un ton privé à cette visite.
Vue de l’exposition Pissarro à Eragny (1) scénographie Etienne Lefrançois et Emmanuelle Garcia © Rmn-Grand Palais / photo Didier Plowy - Expo Pissarro à Eragny au Musée du Luxembourg - Toutpourlesfemmes
Les enfants sont élevés dans un esprit de liberté et forment pour rire « l’Ecole d’Eragny » .
Dans le village d’Éragny-sur-Epte, Pissarro (1830-1903) cadre des paysages d’automne, d’hiver de printemps et d’été au cœur du Vexin.
En 1881 Pissarro vend à Paul Durand-Ruel pour 12 000 francs de tableaux.
Il est vrai qu'autour de Paris, à Louveciennes, Auvers, Pontoise Pissarro a beaucoup peint mais au printemps 1884, c’est à Éragny-sur-Epte qu’il décide de louer une jolie maison et de s’installer. Il y reste jusqu’à sa mort. Il vit là avec sa femme Julie et leurs huit enfants, sa mère et son frère.
Le seul impressionniste à être resté à Paris est Degas. Monet s’installe à Giverny, Renoir dans le midi, Sisley à Moret-sur-Loing, Cézanne à Aix en Provence. La vie est moins chère en province !
"Je ne suis heureux que lorsque je suis à Eragny auprès de vous tous, tranquille et rêvant devant l’œuvre." Camille Pissarro à son fils Lucien Pissarro le 23 janvier 1886
Pissarro un « Libre penseur »
Camille Pissarro Coin du pré à Éragny 1902 huile sur toile 60 x 81,3 cm Presented by Mrs Esther Pissarro, the artist’s daughter-in-law, 1951 Royaume-Uni, Londres Tate Britain Gallery © Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography Expo Pissarro à Eragny au Musée du Luxembourg - Toutpourlesfemmes
A Eragny il trouve une nouvelle forme de stabilité et peut vivre en accord avec sa philosophie de vie. De tempérament peu mondain : la nature est un théâtre qui lui va. De conviction anarchiste défendant l’effort collectif, l’effort de l’homme pour modeler la nature, l’autonomie… Il n’est pas un anarchiste révolutionnaire. Il est athée et lit passionnément Pierre-Joseph Proudhon, fondateur de l’anarchisme moderne. Il fait vivre sa famille avec le potager tout en témoignant des travaux des champs (1894-1901) après Jean-François Millet (1814-1875) qui vivant à Barbizon avec ses neuf enfants a dépeint le même sujet.
Les ventes ne se font pourtant pas facilement et les marchands de tableaux ont des idées bien arrêtées.
En 1987, pour faire face aux difficultés économiques, Pissarro doit faire de nombreux allers et retours à Paris, pour vendre.
Camille Pissarro Gelée blanche, jeune paysanne faisant du feu 1888 huile sur toile ; 92,5 × 92,5 cm France, Paris musée d’Orsay © Rmn-Grand Palais (musée d’Orsay) / Photo Hervé Lewandowski - Expo Pissarro à Eragny au Musée du Luxembourg - Toutpourlesfemmes
Les ventes ne se font pourtant pas facilement et les marchands de tableaux ont des idées bien arrêtées.
En 1987, pour faire face aux difficultés économiques, Pissarro doit faire de nombreux allers et retours à Paris, pour vendre.
« Rien encore conclu avec Durand-Ruel. (…) Tu ne devinerais pas ce qu’il préfère et ce qu’il n’aime pas. Le Paysage avec vaches il n’aime pas du tout, il dit que c’est trop jaune, que la nature n’est pas aussi exagérée, bref il n’y voit pas de poésie ; (…) les Moutons : le paysage n’est pas assez mode (…) » Camille à Lucien Pissarro 31 août 1888, décrivant les gouaches récentes envoyées à son marchand, Paul Durand-Ruel»
Photo CB. Vue de l’exposition Pissarro - Expo Pissarro à Eragny au Musée du Luxembourg - Toutpourlesfemmes
Il faut attendre les années 1890 pour que Pissarro commence enfin à mieux vivre de son art.
Le coût de la vie en 1890: 1kg de pain = 1,80F ; 1litre de lait= 0,10 F, un ouvrier dans l‘industrie privée = 4,85 F par jour ; un cocher=5,75F par jour.
Grâce à un prêt octroyé par Claude Monet, Pissarro devient propriétaire en 1892 de sa maison de campagne. Jeunes, Monet et Pissarro s’étaient liés d’amitié à l’Académie Suisse situé Quai des Orfèvres dans l’Ile de la Cité dont les principaux élèves furent Jean-Baptiste Corot (ce paysagiste français pré-impressionniste), Gustave Courbet (l’inventeur du mouvement réaliste en peinture vers 1850), Edouard Manet (le père des Impressionnistes), Frédéric Bazille (impressionniste),… Pissarro reste malgré ce son passage à l'Académie Suisse un autodidacte qui se forme au contact de la pensée de ses confrères artistes et réciproquement. Car, il est considéré comme un généreux absolu. C'est lui qui a initié en aîné au jeune Cézanne la peinture de plein air.
Monet, Renoir et Pissarro partagèrent les années de vaches maigres. Pissarro d’origine juive et Monet sont Dreyfusard en 1898. Un esprit de solidarité fraternel demeure éternel entre Monet et Pissarro.
REGARDEZ : La Cueillette des pommes à Éragny
Camille Pissarro La Cueillette des pommes, Éragny 1887-1888 huile sur toile 60 x 73 cm Etats-Unis, Dallas, Texas Dallas Museum of Art, Munger Fund 1957 © courtesy Dallas Museum of Art - Expo Pissarro à Eragny au Musée du Luxembourg - Toutpourlesfemmes
Le paysage donne un cadre à la nature.
Dans le cadre s’inscrit un nombre d’éléments (un arbre, une rangée d’arbres au fond de la composition, un champs, des personnages, un ciel,…)
L' attention est portée vers les personnages du premier plan compris dans une action en train de se dérouler.
Pissarro parvient à nous communiquer ce que vivent les personnages
" - Comment, quand et où vont-elles tomber. Beaucoup, pas beaucoup ? se dit la femme debout face à l’homme qui agite une gaule tandis que les autres amassent les pommes sans lever le bout du nez "
L’ombre que forme le feuillage de l’arbre devient un motif unitaire plaqué au sol. La traduction de la lumière donnée par la présence de l’ombre est aussi importante visuellement que les figures sans pourtant, elle ne les dissous.
Commencée dans la nature, la toile fut achevée l’année suivante à l’atelier et travaillée dans une optique néo-impressionniste avec une touche pointilliste .
La courbure du champ nous entraîne au-delà du cadre du tableau. L’arbre coupé sur sa hauteur renforce cette impression.
Son art du cadrage se retrouve d'oeuvre en oeuvre. Il amplifie la sensation de verdures blindées de pluie de lumière et de nature domestiquée. De la nature fortifiée par les saisons. De la nature aux ciels changeants. Tantôt des champs de terres brunes et zébrées d’ombres colorées ou de givres, tantôt fleurie comme dans ce tableau. De la nature où les travaux des champs, des semis aux récoltes, sont scandés de personnages qui oeuvrent. Les habitants d’Eragny sont traités en volumes géométriques colorés. Affectés par la lumière qui jamais ne vient rompre la ligne qui enserre dans La Cueillette des pommes la silhouette féminine au corsage rouge qui se baisse . Elles bougent et vivent, racontent la cueillette comme le feu et le vent, les héroïnes de Pissarro.
Camille Pissarro Le jardin d’Eragny 1898 huile sur toile 73 x 92 cm Etats-Unis, Washington © National Gallery of Art, Washington, Ailsa Mellon Bruce Collection - Expo Pissarro à Eragny au Musée du Luxembourg - Toutpourlesfemmes
Pissarro peint des paysages avec une touche « flochetée » mot issu du jargon impressionniste, c’est-à-dire, de petites hachures de couleurs pour multiplier les effets chromatiques. Cette touche qui devient. Pointilliste sous les pinceaux de Pissarro qui va s'en libèrer après l'avoir expérimentée.
« Son expérience néo-impressionniste ne devait durer guère plus de quatre ans (1886-1890) … mais la technique qui imposait de fragmenter et de réduire la touche exigeait une extrême concentration…Déplora rapidement cette lenteur qui mettait un frein à sa spontanéité de l’expression…Passé 1890, Pissarro aspirait à retrouver la liberté d’improvisation disparue au cours de ses années néo-impressionnistes tout en s’efforçant d’en conserver les acquis… » Joachim Pissarro et Alma Egger
Camille Pissarro Faneuses, le soir, Eragny 1893 huile sur toile 54 x 65 cm Etats-Unis, Omaha, Nebraska Joslyn Art Museum © Joslyn Art Museum, Omaha, Nebraska - Expo Pissarro à Eragny au Musée du Luxembourg - Toutpourlesfemmes
Les deux grands spécialistes de l’artiste sont les deux commissaires de l’exposition : Richard Brettell, directeur de l’Edith O’Donnell Institute of Art History, The University of Texas, Dallas et Joachim Pissarro, Bershad professeur d’histoire de l’art et directeur des espaces artistiques du Hunter College, City University of New York ont réunis tableaux, dessins et gravures de Pissarro réalisés sur 20 ans.
POUR EN SAVOIR PLUS SUR CAMILLE PISSARRO ALLEZ À MARMOTTAN !
Ne pas manquer: Pour les gourmandises, le restaurant Angelina attenant au Musée du Luxembourg et encore moins la visite du Jardin du Luxembourg au printemps !
Informations pratiques:
Pissarro à Eragny La nature retrouvée /16 mars - 9 juillet 2017/ Musée du Luxembourg : 19 rue Vaugirard, 75006 Paris
sites: museeduluxembourg.fr et grandpalais.fr
Camille Pissarro le premier des impressionnistes / 23 février- 2 juillet 2017/ Musée Marmottan: 2 rue Boilly 750016 Paris (marmottan.fr)
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