En ce mois de juin, les pièces nous parlent d’amour entre les êtres, des désagréments en open space et de haine au bureau. Elles nous parlent surtout de personnes qui se rencontrent, se fréquentent, se croisent…et essayent de vivre avec ou sans amour.
Un amour qui ne finit pas, est une comédie mais pas seulement qu’il ne fau(t) pas rater…
En remontant cette pièce originale d’André Roussin, auteur à succès des années 50 à 70, le metteur en scène et comédien, Michel Fau, a tout juste ! Jean (Michel Fau) aborde Juliette (Pascale Arbillot) lors d’une cure thermale. Il l’aime mais qu’elle se rassure, il ne lui demande rien. Elle est mariée, lui aussi « de toute façon, tout le monde est marié ! ». Jean ne veut que lui écrire des lettres très correctes et l’emmener avec lui dans ses rêves. Pourquoi ? Pour que l’amour ne finisse pas. Juliette trouve cela charmant et assez romantique. De toute façon elle aime son mari (Pierre Cassignard), d’ailleurs, elle lui en parle, tout est clair…sauf pour le mari qui commence à trouver cela dangereux. Tout comme la femme de Jean (Léa Drucker).
La pièce est un petit bijou de répliques à la fois drôles et caustiques, fines et emplies de vérités sur l’intimité des couples et le cheminement de l’amour qu’un rien peut venir bouleverser.
Michel Fau, toujours sophistiqué et amoureux de l’esthétique, a choisi de situer la pièce dans les années 60 en créant un décor noir et blanc. Côté Jean, l’intérieur est bourgeois et classique. Côté Juliette, les meubles sont avant-gardistes. Idem pour les costumes style Chanel pour Léa Drucker et d’inspiration Paco Rabanne pour la robe blanche de Juliette. Mais la pièce ne serait rien si les comédiens, tous, ne donnaient pas aux répliques et à la langue d’André Roussin, toutes les intentions qu’elles portent. Si Pascale Arbillot est touchante, Léa Drucker est « subjugante » dans son extravagance qui n’en fait jamais trop ! Si, c’est possible. On rit, on apprécie et on réfléchit. Un sans fau(te).
Théâtre de l’œuvre, Un amour qui ne finit pas d’André Roussin mise en scène Michel Fau, avec Léa Drucker, Pascale Arbillot, Pierre Cassignard, Michel Fau, Audrey Langle, Philippe Etesse jusqu’au 30 juin.
Les Heures souterraines est une pièce d’atmosphère, de mots et de vie.
Deux personnages qui pourraient être vous ou moi ou un voisin, se croisent sans se connaitre. Pourtant ils vivent le même vide et se demandent chaque matin comment mettre un pied devant l’autre. Leurs récits s’entremêlent. Se rencontreront-ils ?
Une jolie adaptation du roman de Delphine de Vigan. Mathilde, cadre brillante qui a repris pied dans la vie après la mort de son mari 10 ans plus tôt, grâce à son travail, sombre aujourd’hui dans la déprime, victime de son boss qui a décidé de lui pourrir la vie. Mais il faut bien avancer, ne serait-ce que pour ses enfants. Fatiguée, elle aimerait bien remettre son existence dans les bras d’un homme. Elle aimerait bien aimer. Thibaut est médecin urgentiste. Il aurait pu vivre tranquille une existence de notable en province. Mais il avait besoin de la ville, de bruit et d’aventures. Mais son quotidien est fait de gens seuls, quelquefois désespérés, insupportables … Il aimerait bien que Lila l’aime comme il l’aime, sans retenue. Mais peine perdue, alors il préfère rompre, « sortir du jeu ». Il passe, fatigué, d’une consultation à une autre espérant une embellie.
Le décor est sobre, blanc, presque clinique. S’il permet grâce à des projections vidéo et une bande-son de nous emmener à la suite des personnages dans le métro, au bureau, au café, au restaurant,… il est aussi froid et sans âme, comme la vie des protagonistes.
La mise en scène d’Anne Kessler permet habilement de faire se croiser les personnages sans presque jamais se rencontrer. La pièce est un peu lente à démarrer mais on s’attache aux personnages au fur et à mesure de leurs confidences. Car c’est à nous, spectateurs et troisième personnage de la pièce que leurs pensées s’adressent. Anne Loiret qui signe aussi l’adaptation, donne à Mathilde sa voix grave et son humanité, tout comme Thierry Frémont apporte sa désespérance de héros fatigué. Nous, le personnage muet, aimerions bien leur faire signe de s’arrêter et de se parler, de se trouver, enfin. Mais ils font ce que tout le monde fait : avancer, continuer, malgré tout, sans s’arrêter, sans voir, sans écouter.
Théâtre de Paris, Les Heures Souterraines, d’après le roman de Delphine de Vigan adaptation Anne Loiret, mise en scène Anne Kessler de la Comédie Française avec Anne Loiret et Thierry Frémont. Jusqu’au 12 juillet.
Open Space est un spectacle sans parole certes, mais tout en musique et en sons, conçu et mis en scène par Mathilda May.
C’est une plongée originale dans le monde du travail qui n’a rien du monde du silence. Sept comédiens excellents de précision se donnent tout entier dans leurs personnages ultra typés pour faire vivre ce bureau cauchemardesque. Peut-être le vôtre ? Adeptes d’une pièce classique avec histoire et paroles, s’abstenir. Mathilda May a écrit un spectacle plus chorégraphié que joué où les comédiens ont du endosser un costume prêt-à-porter de personnages très dessinés, peut-être trop.
Au départ, passe la femme de ménage pas très vaillante qui n’en fait pas plus qu’elle ne doit et même plutôt moins. Puis débarquent de l’ascenseur le beau gosse, la fille coincée, la sexy bruyante, le précieux, la working-girl alcolo, le vieux… et le patron bien sûr sans compter le réparateur de la machine à café. La journée se déroule au rythme des photocopies, des coups de fil pro ou perso, des dossiers qui tombent, …
C’est un spectacle dans lequel il faut entrer et au début, on n’est plus dubitatif que spectateur attentif. Pour être franche, je n’ai pas explosé de rire, ayant en tête les formidables spectacles de la troupe Deschamps-Makeïeff si plein d’inventivité et de créativité mais aussi d’humanité. J’ai fini par me laisser faire et plus l’histoire entrait dans le débridé, plus je me suis amusée des mésaventures pour ne pas dire de la tragédie qui arrive aux personnages. Chapeau aux comédiens à l’énergie fantastique et à Mathilda May pour ses trouvailles !
Open Space au théâtre de Paris avec avec Stéphanie Barreau, Agathe Cemin, Gabriel Dermidjian, Loup-Denis Élion, Gil Galliot, Emmanuel Jeantet, Dédeine Volk-Leonovitch.
Par Véronique Guichard
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