Au programme de l'édition 2014 du Rossini Opera Festival de Pesaro : Armide, Aureliano in Palmira, Il Barbiere di Siviglia, Il Viaggio a Reims. Du très beau...et du moins beau.
Cette année, le Festival Rossini de Pesaro, qui s'est tenu du 10 au 22 août 2014, fête son 35ème anniversaire. Un festival dont les feux du bel canto font oublier la spécificité musicologique. Son créateur, Gianfranco Mariotti, se souvient.
«J’en ai eu l’idée en entendant, en 1969, à Milan, un Barbier de Séville dirigé par Claudio Abbado dans une nouvelle édition critique d’Alberto Zedda. Ma vie a changé ce jour-là ! J’ai eu l’impression d’entendre pour la première fois cet opéra que je connaissais pourtant si bien, et j’ai compris ce que pouvait apporter la musicologie appliquée à l’Opéra ! Alors, en 1980, pour la réouverture du Teatro Rossini de Pesaro, j’ai proposé, en tant qu’Assessore à la culture dans le Conseil municipal, de créer un festival consacré à mettre en scène les travaux philologiques de la Fondation Rossini. Une sorte de laboratoire… On ne jouait de lui à l’époque que deux ou trois opéras, la partie émergée d’un iceberg que nous avons peu à peu libéré. »
Sovrintendente (directeur) du festival qu’il codirige depuis l’origine avec Alberto Zedda, absent quelques années et revenu ensuite, Gianfranco Mariotti insiste aussi sur la formation de jeunes chanteurs rossiniens dans le cadre de l’Academia rossiniana, et sur la façon dont le festival réagit face aux événements du monde. Cette année, par exemple, avec la mise en scène d’Aureliano in Palmira, dont le décor et les costumes du chœur évoquent, indirectement mais irrésistiblement, les Yazidis désemparés face à l’avancée des armées de l’État islamique dans le désert irakien.
C’est peut-être ce qu’espérait Rossini lorsqu’il a légué sa fortune à sa ville natale de Pesaro, où il n’était revenu que deux fois après l’avoir quittée à l’âge de huit ans : la renaissance de ses œuvres dans l’actualité du monde. Le ROF nous permet de le découvrir encore un peu mieux, avec l’édition revue par Matteo Giuggioli des six Sonates à quatre composées à douze ou seize ans, on ne sait pas exactement puisque Rossini qui était né un 29 février, jouait parfois à se rajeunir. Interprétées par le quatuor de Salvatore Accardo, avec un réjouissant contrebassiste, Franco Petracchi, elles font entendre, déjà, le jeu rossinien des voix. On retrouve même dans l’une d’entre elle, une ébauche de l’air de la Calomnie du Barbier de Séville.
Première représentation de la nouvelle édition critique, Aureliano in Palmira programmé le lendemain du Barbier, est une très belle œuvre dont le thème de l’Ouverture, jouée sur le mode tragique, sera reprise un an plus tard par Rossini, sur le mode comique, en Ouverture du Barbiere, lui aussi au programme cette année, avec une scénographie légère, dans une nouvelle édition.
Le troisième opéra au programme de cette année est Armida. Le rôle, l’un des plus virtuose du répertoire du bel canto, évoque en premier le fantôme d’Isabella Colbran, muse des opere serie, et pour qui Rossini composa ce rôle d’enchanteresse toute puissante. Mais la mince Carmen Romeu déçoit. D’autant que d’autres interprètes restent présentes dans nos souvenirs et sur enregistrements : l’impétuosité et le magnétisme de Callas en 1952, la puissance rusée et la séduction déployées par l’aérienne Renée Fleming à Pesaro en 1993, puis au Met en 2010. C’est pourtant la quatrième participation consécutive de Carmen Romeu au ROF. Venue à l'Académie Rossiniana en 2011, elle a chanté dans le traditionnel Viaggio a Reims (Madame Cortese dans la première représentation, et Delia dans la seconde). L'année suivante elle fut Argene dans l’extraordinaire production de Ciro in Babilonia et Ruggiero dans Tancredi. En 2013, elle a joué Elena dans La donna del lago. Avec Armide, elle se brûle les ailes. Giovanna Buzzi lui en a pourtant fourni deux paires, une bleue et l’autre rouge, mais elle a beau battre des bras, elle reste fixée au sol, prise dans les filets de la nouvelle mise en scène statique et pesante de Luca Ronconi qui étouffe le génie de l’œuvre.
Seule voix féminine, face à quatre ténors (pour six personnages) et une basse, qui eux non plus n’enthousiasment pas, sa technique ne suffit pas. Et Antonino Siragusa, Dmitry Korchak, Randall Bills et Vassilis Kavayas sont aussi peu vivants que les marionnettes napolitaines accrochées dans les armoires mobiles ou les formes de papier mâché qui constituent le décor de Margherita Palli. Carlo Lepore, véritable âme noire de l'histoire, qui chante le roi Idraote et le diable Astaroth, semble aussi s’agiter dans le vide. Carlo Rizzi dirige sans bravura l’Orchestre et le Chœur du Teatro Comunale di Bologna. Reste la très belle musique, à part dans la production rossinienne.
Les deux autres productions de ce festival sont paradoxalement plus riches, avec des moyens réduits, presque minimalistes.
Il Barbiere, chanté par Florian Sempey qui a conquis tout le théâtre dès son apparition sur la scène, était on ne peut plus séduisant. Il a déjà chanté Figaro deux fois en France, en 2012 à l’Opéra de Bordeaux et en 2013 à l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne sous la direction même d’Alberto Zedda (http://www.resmusica.com/2013/02/06/un-barbier-de-qualite-a-saint-etienne/ ) qui lui a proposé ce rôle pour le Festival de Pesaro. Rôle qu’il reprendra à l’Opéra Bastille cet automne ! La mini scénographie enjouée et minutieuse créée par l’Accademia des Beaux Arts d’Urbino, avec sur scène une magnifique maquette représentant en miroir l’intérieur du Teatro Rossini dans ses moindres détails, et la justesse et l’élégance du jeune chef Sacripanti qui entrainait l’orchestre dans le respect d’une partition revue et encore améliorée récemment par Zedda a déchaîné l’enthousiasme du public.
Spectacle le plus intéressant du festival, Aureliano in Palmira était illuminé par la présence solaire et impérieuse de Jessica Pratt (Zenobia). Lena Belkina (Arsace) a du mal à se faire une place entre elle et l’imposant Michael Spyres, (Aureliano). L'Orchestre Symphonique de Rossini et le chœur du Teatro Comunale de Bologne, étaient dirigés par Will Crutchfield, également auteur de l'édition critique de la partition. La mise en scène peu originale de Mario Martone était contrebalancée par la présence sur la scène de deux musiciens inspirés, en tenue de soirée, Lucy Tucker Yates en robe noire au fortepiano et David Ethève au violoncelle, comme deux observateurs intemporels des folies humaines, ajoute une étrange poésie. Les costumes évocateurs de Ursula Patzak, le décor minimaliste de Sergio Tramonti et les lumières de Pasquale Mari, transportaient l’histoire de façon subtile dans les drames du présent. Et, comme un symbole d’espoir, les parois du décor labyrinthique disparaissaient peu à peu, s’élevant comme pour une libération, portées par la lumière, au fur et à mesure que la clémence et la pitié touchent le cœur du guerrier romain Aureliano …
En plus des trois grandes productions d'opéra, la Petite messe solennelle dirigée par Alberto Zedda, projetée en direct sur la Piazza del Popolo. Le traditionnel Viaggio a Reims chanté, comme chaque année, par les jeunes stagiaires de l'Academia Rossiniana, permettait de découvrir, entre autres talents prometteurs, la divine Japonaise Aya Wakizono en Melibea et Marko Mimica qui prêtait sa voix au timbre rare et son corps, aussi souples l’une que l’autre, au personnage de Lord Sydney.
Au programme aussi une série de concerts, dont un récital de la sublime et trop rare Ewa Podles. Une incursion cette année dans jazz-rock avec "Radio Rossini" de John Falzone et ses mouches électriques. Et, dans le registre historiographique, la sixième session de l'ensemble de la mise en œuvre des Péchés de Vieillesse…
ARMIDA
8582 Romeu
9027 Romeu e Siragusa
7652 Romeu
BARBIERE
2047 Bordogna e Gatell
2111 assieme
2119 Amarù e Gatell
AURELIANO
4952 Pratt
5283 Belkina e Pratt
9121 Pratt
Ajouter un commentaire