Flamenco 2013 Nîmes

Avec le mois de janvier, le festival flamenco de Nîmes lève le rideau sur une programmation diversifiée, entre valeurs confirmées et découvertes de jeunes pousses.

 

La programmation du XXIIIe festival flamenco de Nîmes est exceptionnellement riche. Equilibrée, elle peut se lire par tiers, comme la recette d'un bon cocktail. Un tiers chant, un tiers danse, un tiers groupe et un zeste de compàs.

La Yerbabuena

La danse et ses grosses productions voient le retour de La Yerbabuena, la belle danseuse de Grenade, Marco Flores, qui, pour l'occasion, est entouré de femmes, femmes guitaristes, chanteuses, danseuses, et Olga Pericet, la danseuse de Cordoue. Dans une formation nettement plus intimiste, Javier Baròn, qui avait fait chavirer le festival en 2010 avec «  Dos voces para un baile  », revient pour «  Baròn  », spectacle encore plus épuré, si cela est possible, faisant la part belle au chant. LE chanteur est José Valencia, qui avait marqué les esprits pour un concert acoustique inoubliable en 2009. Le guitariste est Juan Campallo et le percussionniste José Carrasco.

Javier Baròn

La lourde tâche de clore le festival échoit à Ana Perez, pour un unique spectacle au théâtre de l'Odéon. la jeune danseuse marseillaise se fait, petit à petit, sa place au soleil flamenco.

Leonor Leal

Cette énumération serait incomplète si nous ne parlions pas de Leonor Leal, qui présente le spectacle pour les enfants. Danseuse aux cheveux courts, pleine de salero, que nous pouvons traduire par piquant ou « chien », elle explore les facettes du flamenco dans un spectacle spécialement conçu pour les enfants. Elle est accompagnée dans cette entreprise par El Chorro, danseur puissant, à la forte personnalité, et par le chanteur Javier Ribera.

Quasiment tous les soirs, bailaores et bailaoras brûleront les planches du festival nîmois.

Mais le beau chant, le grand chant est loin d'être oublié.
Jose Mendez, cousin de la Paquera de Jerez, accompagné par Antonio Moya, et Rocio Marquez, avec son guitariste attitré Alfredo Lagos, défendront le cante sans filet, c'est-à-dire sans micro. C'est évidemment la meilleure façon d'écouter le chant, dans sa pureté initiale, et dans l'intimité d'une petite salle. Jose Mendez n'est pas un inconnu pour les aficionados. Il a chanté pour Farruco ou Cristina Hoyos. Il s'est produit avec le regretté Moraìto. C'est un chanteur sans concession, au répertoire classique.

Rocio Marquez est une nouvelle venue dans la cour des grands. En 2008, elle triomphe au festival de La Union, depuis son ascension est sûre et régulière. Aux Suds d'Arles, palliant au retard de Diego El Cigala, elle chante une heure et demi, emballant la foule qui était venue pour le latin lover de la musique hispanique. A Paris, grâce à Flamenco en France qui l'avait programmée lors de son festival Voix de femmes en 2009, elle a des admirateurs inconditionnels. Sa voix forte et limpide, ses grandes facilités vocales et une extrême sensibilité en font une figura en devenir. Courageuse, n'oubliant pas qu'elle doit sa notoriété a la «Lampàra minera» (lampe de mineur), symbole du prix de cante de La Union, ville minière, elle est descendue dans une mine du Leòn soutenir les mineurs en grève, chantant pour eux à palo seco (sans accompagnement).

Originaire de Huelva, patrie du fandango et de Paco Toronjo, elle est bercée dès son plus jeune âge par les vocalises de ce chant qui demande une grande maîtrise. A l'âge de 15 ans, elle s'installe à Séville. C'est le début de sa marche triomphale. Pour les Parisiens qui ne seront pas à Nîmes, elle sera au New Morning le 6 février, toujours accompagnée par Alfredo Lagos, guitariste remarquable, qui est aussi le guitariste attitré d'Israël Galvan.

Une autre soirée retient l'attention. Le festival de Nîmes réitère son jumelage de l'année passée avec l'Estremadure. En 2012, les anciens, rassemblés autour de la Kaita, avaient enflammés le théâtre. Cette année, place aux jeunes qui auront pour mission de démontrer la vitalité du flamenco de cette région. La jeune Celia Romero, âgée de 17 ans, est la lauréate du festival de La Union de 2011. A découvrir et à écouter attentivement.

Carmen Linares et Belèn Maya

Pour que le cocktail soit parfait, une grande dame du flamenco proposera un «  Ensayo  » qui tournera autour des grands poètes qu'elle a aimé et chanté. Carmen Linares est l'une des premières à avoir transcrit en flamenco les grands poèmes de la littérature espagnole. Elle chantera à Nîmes Miguel Hernández, Federico García Lorca, Juan Ramón Jiménez, Rafael Alberti et José Ángel Valente. Elle invite, pour cette occasion, Belèn Maya, la danseuse qui a souvent franchi, elle aussi, les frontières du flamenco pour aller explorer des contrées proches du jazz, de la musique et de la danse contemporaines.

Notre dernier tiers est consacré à ces deux soirées carte blanche offertes à Antonio Moya pour la première et Bobote pour la seconde.

Antonio Moya et sa famille dans un patio andalou

Antonio Moya a sans doute l'histoire la plus singulière du flamenco aujourd'hui. Né à Nîmes de parents espagnols, initié à la guitare et au flamenco dans le quartier gitan de la Placette à Nîmes, il part vers l'Andalousie. La chance le fait rencontrer Pedro Bacàn, le guitariste gitan de Lebrija qui a su fédérer sa famille autour de la musique. Il forme et intègre Antonio au clan. Ce dernier se marie avec Mari Peña. Pedro disparaît en 1997 dans un accident de voiture. Antonio Moya ne baisse pas les bras et perpétue le travail de Pedro Bacàn. Il accompagne Inès, la sœ,ur du guitariste, fait un travail d'ethnomusicologue en enregistrant les chanteurs amateurs du clan, dépositaires de formes particulières de soleares, tientos ou encore bulerias. Cette année, il tient scène ouverte au grand théâtre. Il rend hommage à son passé en invitant les flamencos nîmois, Pepe Linares, Cristo Cortès, Paco Santiago et José de la Negreta, ainsi qu'à son présent puisque le clan d'Utrera-Lebrija sera là au grand complet, Mari sa femme en tête. La danseuse Carmen Ledesma, membre de la famille, sera présente. Elle est l'une des dernières dépositaires de la danse gitane qui fait fi de l'esthétique et de la chorégraphie, mais qui danse la rage, enracinée dans la terre.

Bobote et sa tribu

La deuxième carte blanche est laissée à Bobote. Bobote, c'est ce petit bonhomme qui ne paye pas de mine mais qui dégage une énergie folle dès qu'il se met en branle. Il danse, mais aujourd'hui, il est surtout palmero. Son sens du compàs (rythme) est tel, que les danseurs se l'arrachent. Peu à peu, il s'impose au premier plan. Le festival lui a offert une soirée pour raconter ce flamenco d'aujourd'hui dans le Poligono Sur de las 3000 viviendas qui prend ses racines dans ce Triana mythifié qui fut le bario (quartier) des Gitans, le long du Guadalquivir. Ils ont été expulsés peu à peu pour atterrir dans ces cités grises, bétonnées et sans âme. Et malgré les difficultés, la précarité, les trafics en tout genre, l'esprit trianero perdure. L'esprit flamenco repousse comme une herbe folle dans les interstices du ciment.
Bobote, entouré de ses amis, montrera ce flamenco de la rue, cette fête permanente et entêtée, véritable remède contre la crise, la sinistrose et le désespoir.

Pour que ce festival soit un vrai festival, saupoudrons le tout de conférences, de séances cinématographiques et de stages. Le festivalier pourra ainsi courir dès le matin, découvrir de nouveaux lieux, Paloma, le musée des Cultures taurines, l'Institut d'Alzon. Mais le théâtre et le foyer restent l'épicentre de ce festival d'excellente facture.

Le programme complet, les prix et les horaires, sur le site du théâtre de Nîmes

Par Marie Ningres

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