par Caroline Noublanche
Et si la crise était aussi une opportunité pour les femmes dirigeantes ? Caroline Noublanche, jeune chef d'entreprise, prône un changement de méthode. Pour elle, une participation accrue des femmes aux postes de management peut se révéler très précieuse.
« Il y a toujours des vents favorables pour qui sait où il va » Sénèque
Il y a indéniablement moins de femmes que d'hommes chefs d'entreprise en France.
La France est très en retard pour la part des femmes dans son économie : 56ème rang mondial,, alors qu'elle est première pour leur niveau d'éducation et de santé.
Cette situation est encore accentuée dans la création d'entreprise, les femmes représentant seulement trois nouveaux dirigeants sur dix (1).
S'il est devenu assez courant de voir, en couverture des magazines, des portraits de femmes dirigeantes parvenues à se hisser avec brio jusqu'au sommet de grands groupes, cela laisse dans l'ombre une tout autre réalité économique : seules 28% de TPE-PME françaises sont dirigées par des femmes (2) (48% aux Etats-Unis). Ces chiffres cachent une autre disparité : une majorité de ces entreprises est constituée d'entreprises unipersonnelles ou de TPE et se concentre dans des secteurs d'activité dits « féminins » (aide à la personne, tourisme, communication...) (3).
Pourquoi les Françaises créent-elles moins d'entreprises que leurs compatriotes ?
Si un tiers des Français indiquent vouloir se mettre à leur compte, les raisons, pour les femmes, de ne pas se lancer sont doubles : d'une part, elles rencontrent des difficultés « externes » liées à la place accordée aux femmes dans notre société et dans le monde du travail. D'autre part, elles érigent elles-mêmes des barrières « internes », en s'autolimitant et ne se jugeant pas prêtes.
Sous couvert d'égalité, la société française reste machiste. Je fais partie d'une génération née avec
l'école mixte, la pilule et l'illusion, bien commode, inculquée par la société, de l'égalité entre les genres. Cela dit, dès l'école, il faut veiller à ne pas se laisser enfermer dans des stéréotypes : les filles sont littéraires, les garçons scientifiques.
Une fois dans le monde du travail, et notablement dans les secteurs d'activité à forte dominante
masculine (comme le secteur des nouvelles technologies), les inégalités s'accentuent, sans que les jeunes femmes y aient été préparées. Ainsi, quand j'ai commencé ma carrière au sein d'un grand opérateur, il m'a fallu très peu de temps pour remarquer que les femmes représentaient 50% de la « base », mais qu'à l'échelon supérieur de l'échelle du pouvoir, la proportion se réduisait pour devenir progressivement inexistante au sommet de la hiérarchie. Dans ce secteur, les hommes peuvent également se montrer très méprisants : comportements machistes et attitudes discriminantes sont encore trop répands. Les femmes n'évoluent donc pas dans un climat propice à leur donner confiance en leur propre capacité à entreprendre.
Par ailleurs, les femmes sont victimes de barrières mentales dont elles ne sont pas toujours conscientes : crainte de l'échec ou recherche de perfection du projet, peur de pénaliser leur vie de famille et en particulier, de ne plus assurer convenablement leur rôle de mère.
La mixité, véritable atout pour la compétitivité des entreprises.
Mac Kinsey a publié en 2008 une très intéressante étude intitulée « Women Matter 2 ». Celle-ci confirme les disparités hommes/femmes dans les entreprises européennes, notamment en ce qui concerne la participation aux instances dirigeantes. L'étude insiste ainsi sur l'importance de soutenir le développement des femmes sur la scène économique en démontrant une corrélation entre la
proportion de femmes dans les comités de direction et la performance des entreprises. Certains comportements de leadership, plus fréquemment observés chez les femmes que chez les hommes, ont un impact positif sur la performance organisationnelle des entreprises.
Si les femmes sont encore minoritaires à la tête des entreprises, et en particulier des PME, elles disposent d'atouts dont elles n'ont souvent pas conscience et ont des taux de réussite souvent supérieurs aux hommes. Ainsi, le prix Nobel de la paix, Mohamed Yunus, insiste régulièrement sur le rôle des femmes dans le succès du micro-crédit et dans un capitalisme inspiré du « social business ».
La crise, formidable opportunité pour les femmes ?
En chinois, « WEI XAN » signifie danger opportunité, ce qui signifie aussi chance à saisir. La crise
amènerait-elle sa dose d'opportunité pour changer de modèle ? Et mettre en avant un management
plus féminin ?
En temps de crise, le style de management doit nécessairement évoluer.
Car si la crise est par habitude assimilée à la tempête, elle peut souvent être aussi une période favorable à la réflexion et à la remise en cause. Ainsi, les turbulences actuelles peuvent être l'occasion de faire évoluer l'entreprise vers des valeurs reconnues comme étant plus « féminines »,
de redéfinir l'articulation entre un mode de management directif et une approche plus participative de la gestion d'équipes.
Une participation accrue des femmes aux postes de management et de décision peut se révéler précieuse pour développer les pratiques de leadership efficaces dans les organisations et saisir les opportunités de développement.
Que faire pour amener les femmes à créer plus d'entreprises ?
Tout d'abord, donner confiance et aider les femmes à maîtriser les codes de l'entreprise. Les amener à prendre conscience des autolimitations (reproduction de schéma « traditionnels ») qu'elles s'imposent, les sensibiliser à la nécessité de créer des réseaux, ceci pour accroître la visibilité de leaders féminins au sein du tissu économique. Songeons à la médiatisation de jeunes entrepreneuses brillantes et mères de famille épanouies comme Oriane Garcia (Lycos), Yseulis Costes (MilleMercis) ou Pauline d'Orgeval (1001 Listes).
Ensuite, donner les moyens de leurs ambitions aux femmes.
Il faut ainsi envisager une meilleure répartition homme-femme pour ce qui concerne les tâches domestiques. Cela passe par l'éducation.
Il faut poursuivre les politiques d'aide aux mamans « actives » (déductions Borloo régulièrement menacées) et développer des modes de garde adaptés à leurs horaires. Ceci également dans un souci de déculpabilisation. Non, créer, diriger une entreprise ne doit pas signifier sacrifier sa vie personnelle !
Enfin, il faut faire évoluer les modes opératoires dans l'entreprise, par exemple en finir avec le « anytime, anywhere » pour instaurer plus de flexibilité, permettant de mieux concilier vie privée et vie professionnelle.
Par Caroline Noublanche, Présidente de Prylos.
www.prylos.com
-(2) source : APCE 2006.
-(3) source : APCE 2007, sur l'échantillon des 2,6 millions de PME et TPE de l'industrie, du commerce et
des services.
4 source : « Les Français et la création d'entreprise », étude CSA janvier 2009.
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