Le fou de Gala
Dali s'expose à Paris. Quoi de plus naturel pour ce trublion des arts qui a pu agacer par son extravagance et son sens immodéré de l'autopromotion autant qu'il a pu fasciner par la technicité et l'onirisme surréaliste de son art multiforme. Il faut bien ces quatre mois d'exposition au Centre Pompidou à Paris* pour permettre aux innombrables aficionados de son art de venir s'émerveiller de ses œ,uvres. Pour approcher le personnage rien ne vaut cependant une escapade dans sa Catalogne natale sur les lieux où il a vécu et créé.
Loin de n'être qu'un peintre de génie, Dali, au cours de sa vie fut aussi auteur et illustrateur de livres, créateur de décors et costumes pour l'opéra, acteur de cinéma, sculpteur, créateur de meubles et de bijoux que l'on peut admirer dans une section à part du théâtre-musée. Ouvert au public depuis 1996 seulement, voici l'écrin acheté et entièrement décoré par Dali pour sa muse obsessionnelle, celle qui partagea sa vie et qu'il n'a cessé de peindre, Gala. Pour autant, s'agissant du royaume de Gala , personne, même pas Dali n'était autorisé à y venir sans y être expressément invité sur bristol par la châtelaine des lieux qui recevait beaucoup.
Surréaliste , il l'était en diable. Salvador Dali, né un 11 mai (1904) en Catalogne et par conséquent sous le double signe du taureau, qualifiait son style dès les années 30, de « paranoïaque critique ». On doit cette phrase à sa lucidité : « A six ans je voulais être cuisinière. A sept ans Napoléon. Depuis, mon ambition n'a cessé de croître comme ma folie des grandeurs ». On ne saurait mieux dire.
Figueres ou Figueras selon les prononciations, ville natale de Dali, est désormais accessible directement en train depuis Paris, Perpignan ou par Barcelone ou Gérone en Espagne.
Dès cette première étape de l' itinéraire Dali que vous pouvez suivre en deux ou trois jours, les lieux n'étant distants que d'une quarantaine de kilomètres, vous êtes dans l'ambiance. Le « musée-théâtre » voulu et conçu par le maître de son vivant porte admirablement son nom. Dès la façade extérieure couverte à intervalles réguliers d'étrons de plâtre en guise d'ornement, le ton est donné. Bien plus qu'un musée, ce lieu est une œ,uvre en soi et une expérience. Toute l'âme et l'art de Dali s'y trouvent. Il y est intervenu pendant dix ans, dessinant jusqu'au moindre détail. Et du reste c'est ici qu'il a voulu être enterré à sa mort en 1989.
Ce musée ne ressemble à aucun autre et cela se remarque d'emblée dans le regard des visiteurs. Les yeux vont d'étonnement en étonnement et le sourire sur les lèvres reste permanent. Dali, il est vrai, n'a pas son pareil pour vous faire voir la vie autrement, comme dans un autre monde ou plutôt comme s'il nous prêtait une vue extralucide pour regarder à travers les paysages, les personnages, les objets.
Dans l'immense cour centrale, face à vous se trouve une grande toile représentant le profil d'Abraham Lincoln. Regardez à travers l'objectif de votre appareil photo ou en clignant des yeux : le tableau a changé. Il s'est mué en portrait de Gala nueregardant la mer.
Cheminez à travers les salles et montez sur un petit promontoire. A travers ce qui ressemble à une chevelure regardez devant vous. D'en bas cela ressemble à une pièce où deux tableaux entourent une cheminée en forme de nez, devant laquelle trône le célèbre canapé rouge en forme de lèvres. D'en haut, à travers le cadre de chevelure, la pièce se transforme en portrait de l'actrice américaine sex-symbol des années 30, Mae West. En fait, dans ce musée, il faut regarder de tous côtés et même, sans hésiter, à travers quelques fentes. Tout y est surprise, ce qui le rend aussi attractif pour les grands que pour les petits.
Etonner, choquer, créer
Sur place vous pouvez dormir et surtout manger au restaurant Duran à Figueras (http://www.hotelduran.com/fr) où Ramon, petit-fils du fondateur pourra vous raconter de savoureuses anecdotes sur le plus célèbre des moustachus de la ville.
Car Dali venait ici non-stop en ami de la famille. De son enfance, Ramon se souvient entre autres de la théâtralité bien orchestrée du personnage qui, avant de descendre par l'ascenseur demandait au personnel « y a-t-il quelqu'un dans le hall ? ». En cas de réponse négative, il descendait tout simplement. Mais dans l'affirmative, aussitôt il se mettait en scène pour sortir de l'ascenseur d'une manière aussi excentrique que possible. Salvador pouvait se faire Dali à tout moment pour capter toute l'attention sur le personnage qu'il s'était créé.
Dans l'intimité kitsch des Dali à Portlligat
Plus intime et pourtant non moins théâtrale, la maisonnette de pêcheurs de Portlligat tout au bord de la mer près de Cadaquès est devenue en 40 ans un chaleureux labyrinthe de chambres, salons, ateliers reliés par de petits escaliers où suinte partout le parfum d'immortelles séchées, fleurs fétiches de Dali.
Cette maison était son antre, le lieu où il a vécu et créé le plus longtemps. Celle où il recevait ses amis dans un décor parfois kitsch à souhait, ouverte partout sur la baie de Portlligat au point que les fenêtres elles-mêmes laissent entrevoir un panorama à la Dali. Ce fut à la fois le refuge intime de Dali et de Gala et le lieu de réception des amis. C'est du reste ici que Dali devenu membre du groupe surréaliste invita Paul Eluard et sa femme Elena (Gala) qui quittera le poète pour vivre avec Dali. Comme au musée-théâtre de Figueras, on ne cesse ici, de sourire devant l'évident humour iconoclaste qui préside à la décoration, avec les objets créés ou collectionnés par Dali, jusqu'à la piscine en forme de phallus ou à la fontaine faite de petite toréadors en bouteilles de verre.
Au royaume de Gala : le château de Pubol
Dans ce château médiéval où elle est enterrée, Salvador Dali , en fou de la reine, a vécu pendant deux ans après la mort de Gala en 1982. En piteux état lors de son achat par le couple en 1969, l'artiste s'est attaché à le restaurer à sa manière en laissant parfois des murs et des plafonds partiellement détruits pour en faire des espaces tout à fait insolites et souvent pleins d'humour. Ainsi verrez- vous une table créée autour d'un trou de plafond qui vous permet de voir, au travers, l'étage inférieur. Ou des cache-radiateurs repeints... en radiateurs. Ailleurs, les plafonds peints aux magnifiques couleurs mêlent le culte de Gala (qui, dans ce château a même bénéficié d'un trône) aux dessins les plus iconoclastes. Il n'empêche qu'il ressort de ce château une certaine austérité pourtant intime et non dénuée de romantisme.
En pratique pour faire le circuit Dali :
-Par avion : aéroports de Gérone, Barcelone et Perpignan
-Par train : TGV direct de Paris et de Perpignan jusqu'à Figueras
-En voiture : autoroute AP7 Barcelone-La Jonquera et sortie Figueres
Pour visiter le musée, la maison de Cadaques- Portlligat et le château de Gala n'oubliez pas de réserver car, en particulier dans la maison et dans le château le nombre de visiteurs est limité. www.salvador-dali.org . L'été vous pouvez même visiter le Musée-théâtre en nocturne.
Mieux encore, nous vous conseillons, au préalable, si vous venez de France, de réserver votre circuit à travers l'agence catalane de tourisme à Paris : www.catalunya.com
A Paris :
• L'exposition Salvador Dali se déroulera au Centre Pompidou de Paris du 21 novembre 2012 au 25 mars 2013. 150 peintures parmi les chefs-d'œ,uvre du peintre y seront exposées.www.centrepompidou.fr
• Toute l'année, la Galerie Espace Dali à Montmartre permet de retrouver l'art du peintre et d'acheter des copies de certaines de ses gravures et sculptures en édition limitée (11 rue Poulbot 75018 Paris) www.daliparis.com
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