' Les femmes aiment les activités économiques qui ont du sens'
Majoritaires dans les secteurs de l'édition et de la librairie en Ile de France, 'les femmes aiment les activités économiques qui ont du sens'. Sociologue, conseiller régional d'lle de France et Président du MOTiF (l'observatoire régional du Livre et de l'écrit), Serge Guérin, répond aux questions de toutpourlesfemmes.com
Vous présidez le MOTiF, qui vient de rendre publique au du Salon du Livre 2013 de Paris, une étude sur le secteur du livre en Ile de France. Pouvez-vous expliquer ce qu'est cet organisme ?
Serge Guérin - Créé en 2008 par le Conseil Régional d'Ile de France, le MOTIF est d'abord un observatoire du livre et de l'écrit dans la région. Le secteur comprend l'édition, l'imprimerie, les métiers du graphisme, la reluire, la diffusion, ( librairies, grandes surfaces et bibliothèques). D'un point de vue culturel, le poids de l'Ile de France est majeur : près de 60% des éditeurs français y sont concentrés. Paris, seul, regroupe les trois-quarts des éditeurs de la région. L‘emploi est loin d'être négligeable avec 1% des effectifs de la région.
Au-delà de l'observation de la filière, le MOTiF a-t-il un rôle opérationnel ?
SG - Il lui revient de proposer des politiques publiques afin de soutenir la diversité de la filière et de proposer des actions innovantes aux acteurs du livre. Nous avons ainsi mis en place les premières formations destinées aux auteurs qui, ensuite, ont été reprises au niveau national. Elles portent sur l'environnement social, économique et juridique. Le Motif, avec d'autres partenaires a aussi initié des formations à destination des libraires indépendants. En particulier nous avons mis en place une formation au numérique en librairie pour permettre à ces libraires d'apprendre à vendre et communiquer en magasin et sur internet.
Cette démarche est cohérente avec les missions de la Région en matière de formation professionnelle.
Une autre action du MOTiF, par exemple, vise à développer l'accès au livre dans les espaces péri-urbains et ruraux en région Ile de France. Le MOTiF est aussi un lieu de rencontres et un acteur de l'innovation tant technologique que social.
L'étude que vous venez de publier avec le concours de l'INSEE et de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme révèle un fait relativement peu connu : la place majoritaire des femmes dans les mondes de l'édition et de la librairie. Quelle analyse en fait le sociologue que vous êtes ?
SG -Les femmes représentent 62 % de l'emploi dans l'édition, et 55% dans la librairie. Il convient de nuancer ces chiffres. Dans les grandes maisons, là comme ailleurs, le haut de la pyramide reste pour l'essentiel masculin. Cela explique peut être la floraison de maisons d'édition créées par des femmes : Odile Jacob, Héloïse d'Ormesson, Viviane Hamy, Liana Lévi, Marion Mazauric (Au Diable Vauvert), pour ne citer qu'elles.
D'un point de vue sociologique, je crois que la forte présence des femmes s'explique par leur envie d'exercer une activité qui ait du sens et qui donne de la place à la créativité, même si son économie est fragile. C'est particulièrement vrai dans l'édition. Cela l'est tout autant dans la librairie, qui est l'activité la moins rentable. Là, elles y apprécient aussi la relation humaine. De surcroît, habituées à maitriser la complexité dans leur vie professionnelle et dans leur vie personnelle, elles savent s'adapter aux particularités d'une librairie : prendre en charge la multiplicité des tâches à accomplir, qui vont du conseil au client à la manipulation de cartons de livres, en passant par la gestion et autres obligations.
Constate-t-on des mouvements de décentralisation de tout ou d'une partie de la filière (Paris-province) ou de délocalisation (France-reste du monde) ?
SG -L'étude que nous avons réalisée montre que l'imprimerie, la reluire se sont éloignées de Paris et même de l'Ile de France. Certains éditeurs font d'ailleurs appel aux services d'imprimeries installées à l'étranger et notamment en Chine. Toutefois cette délocalisation a un coût en termes de transport, de temps et de difficulté de suivi de fabrication. Ce qui peut, dans certains cas, permettre de réinvestir le secteur graphique sur le territoire.
La mise en page, le secrétariat de rédaction s'opèrent de plus en plus par télétravail, grâce aux moyens technologiques. Une partie de ces professionnels se sont installés loin de la région Ile de France pour profiter d'un autre cadre de vie et d'un coût de la vie plus favorable. En majorité ce sont des femmes qui ont fait la démarche.
Le livre numérique met-il la filière en danger ?
SG -Pour le moment la part du livre numérique reste minoritaire. On estime la lecture sur tablettes à moins de 2%. Autre fait : ce sont les grands lecteurs, les CSP+ dans la quarantaine, qui ont commencé à s'y intéresser. La tablette numérique n'a pas permis de faire la conquête de nouveaux lectorats. Enfin, elle présente un certain nombre de freins au rang desquels viennent le coût (machine et contenus), la difficulté d'utilisation et le sentiment d'être un peu prisonnier d'un modèle.
Serge Guérin est président du MOTif et conseiller à la région Ile-de-France. Sociologue , docteur en sciences de la communication, professeur à l'ESG Management School, il enseigne en Master Politiques gérontologiques à Sciences Po Paris. Il a contribué depuis une quinzaine d'années à faire prendre conscience de la seniorisation de la société et a insisté sur ses effets positifs.
Rédacteur en chef de la revue Reciproques , centrée sur la problématique des aidants et du don, il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont dernièrement Le droit à la vulnérabilité , avec Th Calvat (Michalon, 2eme édition 2011), La nouvelle société des seniors (Michalon, 2eme édition 2011) et De l'Etat providence à l'Etat accompagnant (Michalon, 2010).
Rédacteur en chef de la revue Reciproques , centrée sur la problématique des aidants et du don, il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont dernièrement Le droit à la vulnérabilité , avec Th Calvat (Michalon, 2eme édition 2011), La nouvelle société des seniors (Michalon, 2eme édition 2011) et De l'Etat providence à l'Etat accompagnant (Michalon, 2010).
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