Yoshiko M. est professeure de français dans la grande université Meiji de Tokyo. Elle répond au mail que je lui ai envoyé ce matin et témoigne sur les effets du séisme intervenu à Tokyo dans l'après-midi du 11 mars 2011.
Chère N.
Ouf ! Je viens de rentrer à la maison à minuit, après un périple de 7
heures. Je vais bien et K.
*ndlr : son mari
aussi. Y.
*ndlr : son fils
n'a pas pu rentrer ce soir mais
il a téléphoné de la fac.
Le séisme m'a surprise dans mon bureau à l'université en train de parler avec
un étudiant. C'est lui qui m'a d'abord alertée, puis il est allé soutenir des
étagères qui commençaient à onduler. Il m'a fallu quelques secondes avant de
me rappeler le B A BA des séismes: ouvrir la porte pour assurer une issue.
Le bâtiment continuant à onduler et les livres commençant à pleuvoir, nous
sommes sortis dans le couloir. Des collègues y étaient déjà. L'un d'entre
eux nous a dit qu'il n'avait jamais vu un tel séisme dans ses 64 ans de vie.
Certains bureaux étaient couverts d'une couche de livres de 50 cm au moins
et dans certains, les livres étant tombés derrière la porte, il n'était plus
possible d'y entrer.
On nous a dit de descendre dans le parc à côté et de là nous avons pu voir
les façades des immeubles ondoyer.
Tous les trains et les métros étant arrêtés, j'ai rejoint le fleuve des gens
marchant vers la banlieue. Après trois heures de marche, je suis arrivée à
la gare de Shinjuku où il y avait foule. Je me suis dit qu'il n'était pas
prudent d'y rester et je suis allée dans un hôtel de luxe. C'était un
véritable camp de réfugiés. Les invités aux mariages et aux fêtes de fin
d'études n'ayant pas pu rentrer chez eux, ainsi que les gens comme moi,
cherchant à se réchauffer, tout le monde était assis ou étendu sur le tapis
dans les couloirs et les salles de banquet. Les portables ne fonctionnant
plus, j'ai dû faire la queue pendant une heure pour téléphoner à K. de
venir me chercher en voiture.
Les ministères, les halls, les écoles et les universités, partout les
édifices publics recueillent les gens, innombrables, qui n'ont pas pu
rentrer chez eux. Heureusement que le tremblement a eu lieu dans
l'après-midi, il y a eu peu d'incendies à Tokyo. Mais ce n'est pas le cas
partout.
Je t'embrasse et je te remercie d'avoir pensé à nous.
Yoshiko
Séisme et tsunami au Japon : mail d'une amie tokyoïte
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