Salon du Patrimoine culturel : Catherine Barriot, fille du grand émailleur Robert Barriot (Interview-vidéo)

Rencontrée au Salon international du Patrimoine culturel, à Paris, Catherine Barriot nous parle de l'oeuvre de son père, le grand émailleur Robert Barriot, qui a notamment réalisé le retable de l'église Sainte-Odile, située dans le 17e arrondissement de Paris, près de la Porte de Champerret. Une oeuvre gigantesque qui révolutionne l'histoire de l'émail dans sa conception et dans sa réalisation.



Interview-vidéo de Catherine Barriot réalisée par Nicole Salez le 3 novembre 2011 au Salon international du Patrimoine culturel qui se tient au Caroussel du Louvre, à Paris,
jusqu'au 6 novembre 2011. ©Nicole Salez.


Robert Barriot : Biographie





Les premières expositions des oeuvres de Robert Barriot, dans la première moitié du siècle renvoyèrent les plus éminents critiques d'art à leurs encyclopédies.

Les plus persévérants y trouvèrent la trace d'émaux sur cuivre repoussé dans l'art persan antique, en Chine, à l'époque de la dynastie Ming, et en France, jusqu'au 16ème siècle.
Depuis, rien.

Pour retrouver les chemins qui ont amené cet enfant du Berry à faire renaître en plein 20ème siècle des techniques que l'on croyait définitivement disparues,
il faut replonger dans son histoire.

La vie de Barriot tient du roman.
On se contentera ici d'en retracer quelques grandes lignes.

Fils de percepteur, il se dirige d'abord vers la musique.
A dix-sept ans, il monte à Paris où il fréquente les Beaux-Arts, études qu'il finance par de petits boulots et notamment celui de violoniste de rue sur les pavés de Montmartre. C'est là qu'il fera la première rencontre déterminante de sa vie en la personne du sculpteur Jean Baffier. Celui-ci se prend d'amitié pour le jeune Barriot et va lui donner un conseil, un seul, mais d'importance : 'l'art ne s'apprend pas à l'école et toute recherche est personnelle'.

Ce conseil, Barriot va le suivre à la lettre. Il quitte rapidement les Beaux-Arts et commence une longue quête. Il exercera, en tout, vingt-deux métiers de l'art : création de décors et costumes de théâtre, broderie, faïence, céramique, etc. A force de toucher à tout, il découvre les émaux à travers l'oeuvre de Carriès, le dernier grand émailleur français du 19ème siècle. Quatre années lui seront nécessaires pour réinventer l'ancestrale technique des émailleurs médiévaux. Quatre longues années d'essais et de tâtonnements dans les domaines de la chimie et de l'oxydation, domaines auxquels il ne connaît rien, pour voir réapparaître les teintes oubliées du rouge et du bleu de cuivre.

Ses travaux vont rapidement le faire remarquer dans un Paris où, au début du siècle,
on fait décidément d'intéressantes rencontres.




Un certain Pierre Lermite, curé de l'église Ste Odile, s'intéresse aux créations de Barriot et lui passe commande d'un retable pour l'église. Si les premiers travaux de Robert Barriot sont de dimensions spectaculaires par rapport aux émaux connus à l'époque, ils ne sont en fait qu'un assemblage précis de plusieurs plaques monochromes. La 'Vierge de Déols' (2,37m x 1,10m) ou 'Jehanne d'arc, Pasquerel et la Hire' (1,99m x 1,15m) avec leurs personnages hiératiques et résolument frontaux, sont fidèles aux représentations médiévales. Leurs couleurs vives sont brutes et paradoxalement glacées pour des figures nées des flammes. Aussi merveilleuses soient-elles, relief et profondeur leur font encore défaut. C'est la commande de Pierre Lermite qui va permettre à Barriot de franchir un palier dans l'évolution de sa démarche artistique. Pour la première fois, il va travailler sur de grandes plaques de cuivre d'un seul tenant.

Pour cela, il doit d'abord s'atteler à la dinanderie, profession quasiment oubliée de batteur de cuivre. Chaque plaque de métal est repoussée, c'est-à-dire sculptée à l'envers, au burin et au chalumeau, pour que le motif apparaisse en relief. Travail d'infinie patience et de précision. Une longue caresse répétée, encore et encore pour que le trait devienne forme, pour que naissent des arrondis et des courbes harmonieuses. Sous les doigts de Barriot, le métal prend forme humaine.

Comme il le dit lui-même : 'Un artiste, pour s'exprimer en sculpture, en taille directe, gravure sur métal, poterie ou émaillage, et d'ailleurs dans toute autre branche de l'art, doit commencer par le commencement, c'est-à-dire être d'abord ouvrier, puis maître artisan'. Cette conception du 'loyal travail' héritée des compagnons du Moyen-Age, il va la pousser encore plus loin. Comme eux, il vivra sur le lieu même de son ouvrage et s'y consacrera totalement.

Il s'installe, à la sainte indignation des ouailles, dans le clocher de l'église Ste Odile avec femme et enfants. La nuit, c'est dans la crypte qu'il se livre à d'étranges et mystérieuses expériences prométhéennes. L'émaillage est une science du feu et Barriot va devoir l'apprivoiser. Comme les fours à émaux de grandes dimensions sont tout simplement introuvables, il va mettre au point, avec l'aide de l'architecte Druelle, un four géant de 3,50m de profondeur qui fera rougeoyer la crypte de lueurs inquiétantes. Pour son coup d'essai, il réalise un émail sur cuivre de l'archange St Michel (1,97m x 0.84m). A la première cuisson, le four explose... mais par l'archange qui garde aujourd'hui encore, sur ces ailes, les traces d'un échec que la tentation d'un mauvais jeu de mots pousserait à qualifier de cuisant. Mais Barriot n'est pas homme à se laisser décourager par des détails techniques. Il remet, comme il le fera toute sa vie, l'ouvrage sur le métier et travaille inlassablement pour affiner sa maîtrise de la cuisson au grand feu.

La technique d'émaillage qu'il a réinventée est pourtant loin d'être simple. Elle consiste à appliquer sur le cuivre repoussé une première couche d'émail translucide qui cuira dix minutes entre 900 et 1100°C. Un deuxième émaillage, qui affirmera les couleurs, est suivi d'une autre cuisson. La gamme de cinq ou six couleurs est, au départ, opaque et épaisse comme de la gouache. C'est l'oxydation du cuivre qui, sous l'action du feu, donnera les nuances.

Barriot ne maîtrise l'immense complexité de cette folle alchimie qu'à force d'essais et de patience. Mais la technique le passionne et le pousse toujours plus loin dans sa recherche. En effet, il se doit d'affiner toujours plus sa technique de repoussage du cuivre et notamment les inclinaisons des hachures au burin afin de diversifier les reflets donnés par l'oxydation du métal. Enfin, il opère les retouches de tons par une succession de cuissons dont la durée est jugée, à travers la vitre du four, par l'oeil du maître. Quelques secondes de trop pour n'importe laquelle des couches et l'oeuvre est irrémédiablement gâchée.

Cette technique, enfin maîtrisée, va permettre à Barriot de réaliser son oeuvre la plus monumentale. Le retable de l'église Ste Odile se compose de 7 panneaux représentant la vision d'apocalypse de St Jean : les vingt-quatre vieillards jouant de la harpe et buvant à la coupe sacrée. Les dimensions sont proprement incroyables : près d'un mètre de large sur 3,20 mètres de haut.

(Source : Association Robert Barriot)


- Salon international du Patrimoine culturel
- Carrousel du Louvre · 99 rue de Rivoli, 75001 Paris/(studio-théâtre de La Comédie française)
- Du 3 au 6 novembre 2011
- 10h - 19h (dimanche 18h)

- Association Robert Barriot
Siège social : 2431, Route de Cagnes - 4, Résidence La Bergerie - 06140 Vence
- Tél : (+33) 04 93 24 04 98 - Portable 06.09.50.99.64 - Fax : (+33) 04 93 58 79 78
/a.rb@wanadoo.fr



Par Nicole Salez

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