Après d'importants travaux de rénovation et la mise en place d'une nouvelle muséographie, le Musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency (Val d'Oise) et son jardin ont ouvert leurs portes au public début juin 2012 à l'occasion de l'inauguration de l'exposition «Rousseau, passionnément ». Chantal Mustel, Directrice du musée et commissaire de l'exposition, nous accueille.
Interview-vidéo de Chantal Mustel
*Interview-vidéo réalisée le 25 juin 2012 au musée J.J. Rousseau de Montmorency par Nicole Salez.
L'exposition «Rousseau, passionnément »
L'exposition a pour écrin la nouvelle muséographie du musée Jean-Jacques Rousseau, Musée de France et, depuis 2011, Maison des Illustres. Le thème des passions, central dans la pensée et dans la vie du philosophe, permet de mieux faire connaître la complexité de sa pensée, souvent incomprise ou défigurée.
Le parcours de l'exposition, ainsi que le catalogue qui l'accompagne, évoquent les passions suivantes: Des passions primitives à la politique / Passions haineuses et cruelles / Passions aimantes et douces / Passion amoureuse.
Le Musée présente les pièces les plus rares de ses collections : manuscrits, exemplaires annotés de la main de Rousseau du Contrat social et du Discours sur l'origine de l'inégalité, herbier réalisé pour mademoiselle Delessert, pastel représentant Rousseau par Maurice-Quentin de La Tour, dernière copie de musique du philosophe ainsi que des prêts exceptionnels : la copie autographe de la Nouvelle Héloïse que Rousseau offrit à la Maréchale de Luxembourg (Bibliothèque de l'Assemblée nationale) et le manuscrit des Dialogues ayant appartenu à Condillac (Bibliothèque nationale de France). A noter la présentation d'un écrit de 1764 qui révèle l'abandon de ses enfants par Rousseau. L'auteur, il l'apprendra plus tard, est Voltaire ! Un élément déclencheur de l'écriture des Confessions.
Pour favoriser l'accès à l'œ,uvre de Rousseau par le plus grand nombre, des dispositifs multimédia et des ateliers spécifiques sont proposés : ateliers tactiles pour mal-voyants, visite en langue des signes, écrans tactiles permettant de «feuilleter» l'intégralité de certaines œ,uvres, ateliers pédagogiques pour les classes (botanique, épistolaire), visites thématiques.
Jean-Jacques Rousseau à Montmorency
1756, Rousseau a 45 ans. Jusque là, sa vie a été une suite d'errances, de déceptions, mais aussi de succès. Jeune apprenti, greffier, puis graveur, il a quitté Genève, sa ville natale, à 16 ans. A Annecy, il a rencontré Madame de Warens, 'maman', qui a contribué à son épanouissement et à sa formation intellectuelle. Rousseau a étudié, voyagé, découvert les plaisirs de la nature. Il a mis au point un système de notation musicale chiffré hors du commun. A Venise, alors secrétaire de l'ambassadeur de France, la musique populaire l'a particulièrement séduit. Son 'Devin du village', un intermède musical présenté à Fontainebleau devant Louis XV a remporté un grand succès en 1752. On lui a proposé une pension musicale, il l'a refusée, par esprit d'indépendance.
Par ailleurs, deux de ses écrits ont déjà provoqué la polémique. Une première fois avec le Discours sur les sciences et les arts (premier prix de l'Académie de Dijon en 1750). Une nouvelle fois, notamment avec Voltaire, avec le Discours sur l'origine et les fondements de l'Inégalité parmi les hommes, publié en 1755.
C'est donc à ce stade de sa vie, en 1756, que Rousseau a dans la tête de développer son « système » philosophique à partir de sa propre expérience, de son propre vécu. Il coupe les ponts. Il renonce à vivre à Paris, « ville de bruit, de boue et de fumée », décide de se rapprocher de la nature et choisit de s'installer sur la colline de Montmorency, à 30 km de Paris, avec la capitale à l'horizon. Grâce à Mme d'Epinay, il emménage le 9 avril à l'Ermitage, puis, se brouillant avec son hôte, il loue la petite maison rurale de Mont-Louis. Jean-Jacques Rousseau sera locataire toute sa vie !
*Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerre, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux, ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : 'Gardez-vous d'écouter cet imposteur , vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne.'Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
Il trouve dans son jardin et son « Donjon », un lieu propice pour développer son « système » philosophique. Rousseau y vivra de 1757 à 1762, en concubinage avec Thérèse Levasseur, une jeune lingère quasi analphabète rencontrée à Paris en 1744 qui deviendra la mère de ses cinq enfants, enfants qu'il abandonnera. Il faut dire qu'à l'époque de Rousseau, placer ses enfants aux enfants trouvés n'était pas exceptionnel. Environ 40% des naissances parisiennes se terminaient par un placement aux enfants trouvés.
En dehors de quelques moments de loisirs, de promenades solitaires dans la forêt alentour, de son travail de copiste de musique, Rousseau s'attèle à son « système ». Il composera à Montmorency ses plus grandes œ,uvres. En 1750 parait Julie ou la Nouvelle Héloïse qui connait un succès sans précèdent.
En 1762, c'est au tour de Emile ou de l'Education et Du Contrat Social d'être édités. La polémique enfle, les ennemis se multiplient autour de ces deux derniers ouvrages. Le premier est condamné par le Parlement de Paris, le second par le Conseil de Genève. Afin d'échapper à 'l'arrestation de corps' lancée contre lui, Rousseau s'enfuit de Montmorency le 9 juin et se réfugie en Suisse à Yverdon, puis à Môtiers. Il est rejoint par Thérèse Levasseur.
Visite de la maison de Rousseau et de son jardin
Aujourd'hui, grâce à d'importants travaux de rénovation, le musée qui comprend la maison du philosophe, le Mont-louis, son jardin et son cabinet de travail, le 'Donjon', « a gagné en qualité et en espaces », comme l'explique Chantal Mustel. Du mobilier ayant appartenu à Mme d'Epinay à l'Ermitage, un acte notarié, des documents iconographiques et les témoignages de l'époque, ont permis que soit restitué avec fidélité et sensibilité le cadre de l'écrivain.
L'intérieur du Mont-Louis donne une impression de vie simple de ses habitants. Thérèse a sa chambre en bas, Jean-Jacques a la sienne à l'étage. Elle lui sert également de lieu de travail. De là, le philosophe a vue sur le jardin. Aujourd'hui, une fenêtre y a été percée pour offrir un regard sur la salle d'exposition entièrement réaménagée, située dans la maison attenante...
Le Mont-Louis s'ouvre sur un joli jardin situé à l'arrière du bâtiment d'allure sobre. A gauche, un cabinet de verdure, c'est là que Jean-Jacques Rousseau recevait ses amis, une manière de se démarquer des salons mondains. De là, une allée en contrebas nous conduit à un petit pavillon. C'est le « Donjon ». Quelques marches et l'on a la surprise de découvrir, derrière les carreaux de la porte vitrée, une pièce exigüe, sans cheminée. C'est là que Rousseau écrivait « sans abri contre le vent et la neige, et sans autre feu que celui de mon cœ,ur ». A droite, un peu plus loin, on peut voir une haute bâtisse rurale du XVIIe siècle dominant le Mont-Louis, et son jardin : la « Maison des Commères » dénommée ainsi par Thérèse en raison de ses deux locataires, deux jansénistes, qui «[...] se fourraient partout et voulaient se mêler de tout». Deux jansénistes avec lesquels, dit-on, Rousseau n'hésitait pas cependant à jouer aux échecs, une de ses passions.
Aujourd'hui, la « Maison des Commères » abrite la Bibliothèque d'études rousseauistes regroupant notamment plus de 30000 titres concernant le philosophe et son siècle, et les activités éducatives du Musée. Dans un agrandissement de la maison datant du XIXe siècle, des expositions temporaires sont organisées sur la vie et l'œ,uvre de Rousseau ainsi que sur le 18ème siècle et l'histoire locale.
---------------
Quelques ouvrages de référence sur Rousseau
- Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau
Edité par Raymond Trousson, Frédéric S. Eigeldinger. Paris : Champion, 2006
- L'Homme qui croyait en l'homme : Jean-Jacques Rousseau
Marc-Vincent Howlett. Paris : Gallimard, 1989
- Jean-Jacques Rousseau en son temps
Monique et Bernard Cottret. Perrin-Tempus, 2011
- Jean-Jacques Rousseau : le sentiment et la pensée
éd. Yves Mirodatos. Glénat, 2012
- La Botanique selon Jean-Jacques Rousseau
Guy Ducourthial. Paris : Belin, 2009
- Quand Montmorency célèbre Rousseau
Michel Rival. Montmorency : SIAM JJR, 2008
- Sur les traces du «promeneur solitaire» Itinéraires Rousseau en Rhône-Alpes, Piémont et Suisse romande - Itinéraires. Lyon : EMCC, 2012
- Exposition - 'Rousseau, passionnément'
- Jusqu'au 9 décembre 2012
- au Musée Jean-Jacques Rousseau
- 5 rue Jean-Jacques Rousseau, (95) Montmorency
- Tarifs : 4 euros / 19-25 ans : 2 euros / Gratuit pour les moins de 18 ans.
- Du mardi au dimanche de 14h à 18h.
- Renseignements au 01 39 64 80 13 ou rousseau-museum@ville-montmorency.fr
- 'Maison des Commères' - Bibliothèque d'études rousseauistes
- 4, rue du Mont-Louis, 95160 Montmorency
- Téléphone : 01 39 64 80 13 / Fax : 01-39-89-91-23
- Horaires : Du mardi au samedi, de 9h à 18h en continu. Groupes sur rendez-vous.
Fermeture : Les jours fériés , le 7 avril 2012, le 26 mai 2012, du 1er au 27 août inclus et du 22 décembre 2012 au 5 janvier 2013 inclus.
Accès :
- Par le train :
Gare du Nord, train direction Valmondois ou Pontoise, arrêt Enghien-les-Bains. Puis Bus : 15M, arrêt Mairie de Montmorency ou 13, arrêt Rey de Foresta.
Pour les horaires de Bus : www.vianavigo.com
- En voiture :
Par l'autoroute A1 : prendre la sortie n°3 direction Saint-Denis et suivre la RN1. Sortir par la D125 direction Montmorency. En ville, suivre les panneaux « musée ».
Par l'autoroute A15, bretelle du boulevard intercommunal du Parisis (D170) direction Montmorency, sortie Soisy- sous-Montmorency, suivre la direction Montmorency puis centre-ville.
---------------------
Lire également :
Jean-Jacques Rousseau à l'abbaye de Chaalis : Entretien-vidéo avec Jean-Marc Vasseur
Par
Ajouter un commentaire