Retour sur Florence Cassez

Le 23 janvier 2013, Florence Cassez sort des prisons mexicaines où elle a passé sept ans. Aujourd'hui, elle a envie de peindre, peut-être d'écrire un livre, de profiter de sa famille, de reprendre une vie normale ou presque...
Laure Thirion revient sur ce destin d'une femme égarée dans une affaire privée devenue affaire d'Etat.

Sept ans d'incarcération, d'injustice, de doutes, d'espoirs et de désillusions, et soudain la liberté. Florence Cassez, ne l'attendait plus ce miracle. Pourtant, son combat, celui de son avocat et de ses proches, l'acharnement du gouvernement français et des médias sont venus à bout du système judiciaire mexicain.


Le dénouement

Devenue médiatique, diplomatique, politique, l'affaire Cassez aura décidément fait couler beaucoup d'encre. Rares sont les dossiers où se sont accumulés autant d'aberrations judiciaires, de violations des droits constitutionnels, de manipulations politiques et de renversements de situation.

Après l'élection du nouveau président mexicain Enrique Peña Nieto et sa visite officielle à Paris en octobre dernier, la tendance semblait s'inverser. Les relations franco-mexicaines s'amélioraient, après leur dégradation en février 2011 lorsque le gouvernement de l'ancien président Calderon s'était retiré de l' 'Année du Mexique en France' alors que Nicolas Sarkozy avait choisi de dédier l'événement à Florence Cassez.

Dernièrement, le Sénat mexicain avait désigné deux nouveaux juges pour statuer sur l'affaire et reconnaître le non-respect des droits constitutionnels de Florence Cassez depuis le début de l'instruction.

Trois petites voix sur cinq ont fait la différence. Trois juges ont enfin reconnu l'irrégularité de la procédure : montage médiatique, faux témoignages, faux chefs d'inculpation, fabrication de preuves, refus de mise en liberté provisoire en attente du jugement, la liste des erreurs est longue.

Le système judiciaire mexicain, reconnu archaïque par les spécialistes, remplit les prisons de cas comme celui de Florence. Au Mexique, ni audiences, ni plaidoiries, ni confrontations entre les parties n'existent. La justice ne se base que sur des rapports écrits - celui de Florence Cassez rassemble pas moins de 12 000 pages - par une police corrompue et financée par les cartels.

La libération de la jeune Française est donc emblématique, dans la mesure où elle devient un cas de jurisprudence pouvant servir d'exemple à d'autres personnes accusées à tort et victimes du système judiciaire. Il s'agit d'un pas politique important véhiculant les valeurs de la démocratie à travers tout le pays, même si elles sont encore loin d'être respectées.

Véritables états dans l'Etat, les cartels détiennent le pouvoir au Mexique. Nées dans les années 80, ces organisations criminelles sont devenues de véritables chaînes de productions qui contrôlent les opérations de trafic de drogue estimées à 1 milliard de dollars. Elles ont aujourd'hui d'autant plus d'influence qu'elles sont situées à proximité des Etats-Unis et qu'elles développent leur réseaiu notamment au Honduras, au Salvador, au Guatemala et en Colombie.

Barbarie, violence poussée à son paroxysme, tortures, menaces, intimidations en tout genre sont vocabulaire courant. Les cartels Tijuana, Juarez, Zetas, parmi les plus violents, sont même infiltrés à l'intérieur des Etats-Unis. Les chefs de gangs les plus puissants financent également un réseau radio clandestin à hauteur de plusieurs millions de dollars dans l'objectif de coordonner les livraisons de drogue, d'organiser l'industrie du kidnapping et d'informer les gangs des stratégies de la police et de l'armée. Autant dire que la lutte contre les narcotrafiquants en Amérique Latine a totalement échoué. L'ex-compagnon de Florence Cassez, Israel Vallarta, soupçonné d'appartenir au gang « Los Zodiacos » sous une couverture de vendeur de voitures, s'est en fait retrouvé dans les mêmes conditions carcérales que la française depuis 7 ans sans jamais être entendu par la justice parce qu'il avait avoué sous la torture être seul responsable des kidnappings dont le couple était accusé.


Le prix de la liberté

Le dossier Florence Cassez est désormais clos, mais que pense le Mexique de la libération de la Française ? Les quotidiens « Processo », « Reforma », « El Universal », « Excelsio » statuent que « Florence Cassez a été libérée à cause de la violation de ses droits, pas parce qu'elle est innocente ». La question de la culpabilité de Florence Cassez reste donc ouverte au Mexique, et pour de nombreux locaux, il aurait été plus juste que la Française soit confrontée à un nouveau procès éliminant les infractions présentes dans le dossier afin de mieux trancher sur le vrai fond du problème : sa culpabilité ou son innocence.

A son retour en France, Florence Cassez a affirmé « s'être toujours sentie libre dans sa tête ». Mais elle tient à être lavée de tout soupçon, et cette aspiration sera peut-être son prochain fer de lance. Il est vrai que l'opinion française peine à imaginer une jeune femme s'exiler au Mexique pour infiltrer un gang de narcotrafiquants et organiser des enlèvements. Pour autant, la qualifier de « naïve » ou même « d'écervelée » est somme toute un peu facile. « Inexpérimentée » semble plus approprié car Florence Cassez pourrait être n'importe quel(le) jeune homme ou femme souhaitant tenter une expérience à l'étranger.

Force est tout de même de reconnaître son courage, sa pugnacité, l'intelligence dont elle a fait preuve pour apprendre à dompter des émotions contrastées qu'elle tient à nommer : la haine, la rancœ,ur, le désespoir, la peur et la souffrance psychologique. Elle reste également consciente du travail de son avocat, du soutien sans failles de ses proches, de l'ancien président Nicolas Sarkozy et des nombreux journalistes qui ont appelés au respect des droits de l'homme à travers son histoire.

Aujourd'hui, Florence Cassez émet le désir de peindre, éventuellement d'écrire un livre et surtout de profiter de sa famille, de reprendre une vie normale ou presque...
Elle espère aussi que son combat n'ait pas servit qu'à elle seule. L'absence de valeurs démocratiques au Mexique est un sujet qui, par la force des choses, l'habite désormais et qui l'amènera peut-être à s'engager plus officiellement dans la lutte pour les droits de l'homme. On lui souhaite en tout cas une vie heureuse de femme enfin libre.

Laure Thirion

Par Elsa Menanteau

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