Le Centre Pompidou et le Louvre honorent concomitamment l'artiste allemand Gerhard Richter, une des figures majeures de la peinture contemporaine. De juin à septembre 2012, Beaubourg présente « Panorama », une rétrospective exceptionnelle de son œ,uvre et le Louvre accueille une non moins remarquable exposition de ses dessins et aquarelles.
L'exposition «Panorama» qui s'installe à Beaubourg du 6 juin au 24 septembre après une présentation à la Tate Modern de Londres et la Neue Nationalgalerie de Berlin, réunit une sélection de près de 150 œ,uvres - peintures et sculptures - de Gerhard Richter, l'un des artistes vivants les plus cotés au monde, à l'occasion de ses 80 ans.
Hommage ne lui avait plus été rendu en France depuis 1993, lorsqu'une exposition lui avait été consacrée au musée d'art moderne de la ville de Paris.
Sa première exposition dans un musée français avait déjà été organisée au Centre Pompidou, en 1977.
Une œ,uvre intiment liée à l'histoire de son pays, l'Allemagne
Né à Dresde en 1932, Gerhard Richter est profondément marqué par l'histoire de son pays. Pendant la deuxième guerre mondiale son père et son oncle deviennent membres du parti national-socialiste. Sa tante Marianne, schizophrène, est tuée dans le cadre du programme eugéniste hitlérien. Il en fera un portrait émouvant, à partir d'une photographie la montrant en sa compagnie, lorsqu'il était enfant.
À l'âge de dix ans le petit Richter est enrôlé dans un programme éducatif pour la jeunesse allemande.
En 1961, alors que s'érige le mur de Berlin, il fuit à l'ouest, s'installe à Dusseldorf et détruit toutes ses œ,uvres antérieures, réalisées sous le régime communiste, à l'exception de quelques œ,uvres sur papier.
Bien plus tard, en 1988, il reviendra sur la période noire pour l'Allemagne où sévissait le groupe Fraction armée rouge, avec sa « Série 18 Octobre 1977 », cycle de quinze tableaux représentant la mort des leaders de la bande à Baader. Il expliquera avoir voulu « fixer la tristesse, la pitié et la peine. Mais sûrement, aussi, la peur . »
Photographie, peinture figurative ou abstraite, sculptures... Richter n'est pas monolithique et le revendique :
« Je n'obéis à aucune intention, à aucun système, à aucune tendance , je n'ai ni programme, ni style, ni prétention. J'aime l'incertitude, l'infini et l'insécurité permanente ».
De même, Richter manie avec autant de verve les couleurs vives et florissantes que le gris. « Le gris est également une couleur et c'est souvent la plus importante à mes yeux. Le gris est l'absence d'opinion, le néant, le ni...ni. C'est aussi un moyen d'exprimer mes rapports avec la réalité parce que je refuse d'affirmer qu'une chose est ainsi et pas autrement », fait-il valoir.
L'exposition, préparée par la commissaire Camille Morineau, avec la complicité de Richter
propose une lecture chronologique et thématique de l'œ,uvre de l'artiste, du début des années 1960 à aujourd'hui, à travers une scénographie originale.
Après les « photos-peintures », réalisées à partir de photographies au début des années 1960, Richter met en place, dans les années 1970, un monde d'abstraction où coexistent des grilles colorées et des monochromes.
Dans les années 1980, dans une perpétuelle remise en question, il réinterprète de manière inédite les genres de l'histoire de l'art : portrait, peinture d'histoire, paysage, explique Camille Morineau.
Il explore au même moment un nouveau type de tableaux abstraits aux couleurs acides, où les formes gestuelles et géométriques s'entremêlent. Puis, dans les années 1990, Richter met au point une technique, qui devient sa signature, consistant à étaler de la peinture encore fraîche à l'aide d'une grande planche en bois ou en métal.
Une centaine de dessins et aquarelles au Louvre
L'oeuvre graphique de Gerhard Richter, présentée dans les salles Mollien du département des arts graphiques du Louvre du 7 juin au 17 septembre a été très rarement montrée.
Depuis les premiers monotypes Elbe, paysages à l'encre noire datés de 1957 —, les seules œ,uvres de cette époque qu'il n'a pas détruites - jusqu'à ses encres sur papier de la série November de 2008, l'exposition donne, pour la première fois en France, la mesure de l'œ,uvre graphique de Gerhard Richter.
Là encore l'artiste polymorphe utilise encre de chine, mine de plomb, et aquarelles pour retracer entre couleurs et monochromies de noirs et de gris, des dessins au trait tantôt acéré et griffé, tantôt effacé.
L'art, un moyen de survivre comme un autre
Interrogé par le directeur de la Tate Modern Nicholas Serota sur le but de l'art, Richter répond : « Il permet de survivre dans ce monde. Un moyen parmi de nombreux autres... comme le pain, comme l'amour.
Et que vous donne-t-il ?
« Certainement quelque chose à quoi l'on peut se raccrocher... Il a la mesure de tout ce qui est insondable, insensé, absurde, de l'incessante cruauté de notre monde. L'art nous montre comment voir ce qui est constructif et bon, et à y prendre une part active. (...) Il apporte le réconfort, l'espoir, de sorte qu'y participer n'est pas vide de sens. [...]»
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