NOM D’UN COSMETIQUE … !

C'est un véritable inventaire à la Prévert. Une poésie en soi. Je ne sais pas si de votre côté vous vous y retrouvez, mais il y a de quoi s'y perdre : comment diable arrive-t-on à nous faire retenir le nom d'un cosmétique ? Il en sort des milliers par an rien qu'en France et le mieux y chasse le bien.




N'empêche, rendons hommage à tous ces poètes qui, plusieurs fois par an, sont chargés de déclamer leurs nouveautés en vers ou presque. Car, en effet, quel casse-tête, au milieu d'une famille nombreuse de baptiser une crème de jour, comment faire en sorte qu'un mascara soit, rien que par son nom, l'enfant prodige, comment faire en sorte que le nom du fond de teint nouveau-né signe d'office l'appartenance à une famille bien née ?



On ne va pas se pencher sur la prose latine qui orne, de façon microscopique, le tube de rouge ou la boîte sublimant le pot de crème. De toute façon, personne n'y comprend rien, le but de l'opération étant, essentiellement d'ouvrir le parapluie quand ça vire à l'orage : on vous aura prévenu en toutes lettres et en latin que le rêve que vous venez d'acquérir contient du Prunus armeniaca kernel oil, de l'anthemis nobilis, du coralium officinalis , du titanium dioxyde et autres conquêtes de l'homme et que, si jamais vous aviez un problème, paresseuses que vous êtes : il vous suffisait de lire !

Non, je veux parler de la poésie à l'état pur, celle qui évite encore le franglais à toutes les sauces, histoire de faire international branché, tout en sachant que ce qui se vend, à l'étranger, c'est précisément la beauté à la française. Cette poésie des noms qui, toute cartésienne que vous soyez, vous écorne, malgré tout, un coin de votre raison pure. Songez un peu. : un « Lift lumière teint fluide jeunesse » ou un « Sublimage texture suprême » (Chanel), une « Huile précieuse du soir » (Yves Rocher)ou une « Huile Prodigieuse » (Nuxe), une « Brume poudrée bronzante » (Guerlain), une « crème Mains d'ange » (Lancaster), un « Poupoupidou Puff », une « Poudre libre caresse-corps sublimé », un « Rouge interdit » ou un « Pop gloss crystal » (Givenchy) ! Avouez qu'il y a là-dedans un petit côté « parce que vous le valez bien », non ?



Par Evelyne Dreyfus
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