Mazarin le maître du jeu

Simone Bertière

'Mazarin le maître du jeu' de Simone Bertière. Cette biographie rigoureuse de Mazarin fait surgir un homme sans illusions ni préjugés mais foncièrement optimiste, habile à piéger ses adversaires mais fidèle à ceux qu'il a choisi de servir.

Mazarin le maître du jeu de Simone Bertière


Défiant un monde qui ne prévoyait pas de place pour lui, Mazarin, un étranger sans naissance ni fortune, a gagné sur tous les tableaux. À sa mort, il se trouvait maître de la France et arbitre de l'Europe, plus puissant que ne le fut jamais aucun ministre : ascension d'autant plus insolite qu'elle a échappé au naufrage final qui guette ce genre d'exploit. Il s'est fait lui-même, il a travaillé, il s'est battu, il a failli sombrer, il a triomphé de tous les obstacles. Il dut à son intelligence et à sa ténacité une victoire sans appel. Sa victoire était aussi celle de la France, à l'issue de la longue lutte qui l'opposait à la maison d'Autriche, et elle apportait à l'ensemble de l'Europe la paix ardemment désirée.

La présente biographie n'est pas un roman. Fondée sur l'information la plus rigoureuse, elle retrace sa fabuleuse aventure, telle qu'il la vivait au jour le jour dans l'incertitude de l'avenir. Elle met l'accent sur ses objectifs, ses convictions, ses choix. Elle fait surgir un homme sans illusions ni préjugés mais foncièrement optimiste, habile à piéger ses adversaires mais fidèle à ceux qu'il a choisi de servir, l'esprit libre, indulgent aux faiblesses humaines et dépourvu de toute cruauté, amateur passionné de bonne chère, de peinture et de musique.

Autour de lui, les papes Urbain VIII et Innocent X, Anne d'Autriche et le jeune Louis XIV, Condé, Turenne, le cardinal de Retz et tant d'autres, que le style alerte de Simone Bertière convoque pour dresser un panorama vivant et vrai de cette période charnière, qui fut la matrice du «Grand Siècle». Passionnante par elle-même, cette plongée dans un passé tumultueux ouvre au détour du chemin quelques réflexions salutaires sur notre présent.

Après avoir enseigné la littérature, Simone Bertière a publié une Vie du cardinal de Retz et une édition commentée de ses Mémoires, puis évoqué en une vaste fresque de six volumes la condition des reines de France des Temps Modernes. Le dernier volume, Marie-Antoinette l'insoumise, a reçu le Prix des Maisons de la Presse, le Prix des Ambassadeurs et le Grand Prix de biographie historique de l'Académie française.

Mazarin, le maître du jeu, de Simone Bertière
-Biographie (broché). Paru en 08/2007
-24€


Extrait du livre :Retour en catastrophe
Biographie (broché). Paru en 08/2007



Selon Benedetti, son rappel n'a rien à voir avec un prétendu projet de mariage. Il aurait été sommé de revenir parce que son père, poursuivi pour homicide, avait pris la fuite. Les cas de ce genre n'étaient pas rares dans la Rome des années 1620. On avait l'honneur chatouilleux, l'humeur querelleuse et le coup d'épée ou de poignard facile. Le coupable quittait les États du pape, en attendant que les remous s'apaisent et que des amis s'entremettent pour une mesure de clémence. Nous ne connaissons pas les circonstances exactes du drame - provocation, bagarre, accident ? - où fut compromis Pietro Mazarini. On peut être sûr, cependant, que le fidèle Benedetti n'en aurait pas parlé si la chose n'avait pas été de notoriété publique en son temps. Grâce aux Colonna et aux beaux-frères Buffalini, l'affaire s'arrangea et Pietro put revenir. Mais elle avait porté un coup dur à son prestige auprès des siens et compromis ses activités professionnelles.
Comme son fils, Pietro Mazarini avait du charme à revendre et, sans être aussi intelligent, il était loin d'être un sot. Mais il lui manquait la force de caractère. L'ascension sociale dont il rêvait n'a été ni aussi rapide, ni aussi brillante que prévu. La fortune espérée n'est pas venue. Les maternités à répétition, les frais de logement entraînés par une nichée qui s'accroissait sans cesse ont mis à mal les finances du couple, cependant que Pietro, cessant de vivre dans la familiarité quotidienne du connétable, voyait se déliter sa faveur. La déception fut pire encore pour sa femme, issue d'un milieu plus relevé, qui supportait mal d'être vouée à une existence étriquée. Pour alléger les charges, ils ont expédié leurs deux filles aînées en pension dans un couvent de Città di Castello, auprès de leurs grands-parents. Peine perdue. Ils tirent le diable par la queue. L'accusation d'homicide, la fuite de Pietro, la perte de ses fonctions d'intendant, le désastre financier qui en résulte n'ont pu qu'approfondir le fossé qui se creuse entre Hortensia et son époux. Elle a beau être une sainte, elle ne peut plus se dissimuler que son mariage est un échec.

On rappelait Giulio d'urgence, non pour défendre son père, mais pour soutenir sa mère et pour remettre de l'ordre dans les affaires familiales. Bien que Pietro eût été absous et rétabli dans son emploi, chacun sentait qu'il devrait bientôt passer la main. Aux approches de la cinquantaine, il ne remonterait pas la pente. Ainsi s'amorçait un transfert de responsabilités qui ferait prématurément de son fils le véritable chef de la casa. Finies les années faciles. Giulio n'avait plus qu'à retrousser ses manches et à se mettre au travail.

Les circonstances lui offrirent, peu après son arrivée, un splendide lot de consolation. On sait que les jésuites, loin de partager la réprobation de certains confrères pour le théâtre, prétendu corrupteur, voyaient en lui un outil pédagogique de premier ordre. Ceux du Collège romain ne dérogeaient pas à l'usage et ils avaient prévu, pour les fêtes marquant la canonisation de leur fondateur, du 22 au 24 mai 1622, de faire représenter une pièce évoquant la vie de saint Ignace, oeuvre du compositeur attitré des Barberini, Hieronymus Kapsberger. Ne parvenant pas à trouver parmi leurs élèves un interprète capable d'assumer le rôle-titre, ils eurent l'idée de recourir à leur ancien disciple, qui goûtait peu la théologie, mais raffolait de la musique. Giulio releva bravement le défi et se tailla un triomphe, tant pour ses talents de comédien que pour ses qualités vocales. En chaire, il pouvait débattre doctement de la comète, sur scène, il pouvait rivaliser avec ses chanteurs confirmés. Où ce funambule trouverait-il finalement sa voie ?

Par Floria-Rose David
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