L'Odéon propose aux ateliers Berthier une reprise exceptionnelle de 'Ma chambre froide' de Joël Pommerat, artiste associé du théâtre jusqu'en juin 2013. L'occasion de (re)découvrir un spectacle captivant et enchanteur.
S'il y a bien une chose que Joël Pommerat sait faire à la perfection, c'est raconter des histoires. C'est sans doute pour cela que le metteur en scène s'est orienté ces dernières années vers l'univers du conte, avec des spectacles comme Pinocchio, Le Petit Chaperon rouge ou encore Cendrillon. D'une certaine manière, on retrouve dans Ma chambre froide toutes les composantes d'un conte moderne.
Un conte moderne
La trame de l'histoire est pourtant simple et se déroule de façon limpide : Estelle est une fille gentille et serviable, toujours prête à rendre service et à aider son prochain. Elle fait des ménages dans un magasin d'alimentation où ses collègues et son patron, un certain Blocq, profitent de sa bonté pour l'exploiter sans vergogne.
Un événement inattendu, l'élément perturbateur initial, vient pourtant bouleverser la petite routine du magasin d'alimentation. Le patron, qui possède également un abattoir et un bar, apprend qu'il a une maladie incurable et qu'il va bientôt mourir.
Il décide alors de léguer toutes ses entreprises aux employés du magasin, qui vont dès lors devoir faire face à de nouvelles responsabilités. Mais il met une condition à sa donation : que les nouveaux propriétaires, d'une manière ou d'une autre, célèbrent sa mémoire une fois par an. Estelle suggère alors au groupe de monter une pièce de théâtre.
Un univers onirique
Rien que de relativement classique à première vue... Sauf que, dès le début de la pièce, le spectateur est plongé dans un univers merveilleux, qui tient finalement plus à la scénographie elle-même qu'à l'histoire proprement dite. Les spectacles de Joël Pommerat sont des expériences totales où toutes les conditions de la fiction, et du rêve, sont minutieusement recréées.
Un plateau circulaire entouré de gradins rappelant l'univers du cirque, des instants de noir complet entre les scènes qui font des moments joués des sortes d'apparitions soudaines et presque magiques, le tout enrobé dans une voix off qui retrace le fil de l'histoire d'Estelle. Sans oublier une certaine dose de mystère et de sentiments.
Catharsis
Ma chambre froide mêle habilement des éléments purement oniriques à une réflexion sur le monde de l'entreprise et des rapports sociaux.
Le milieu du théâtre et des artistes en général, évoqué à travers la pièce montée par les employés du magasin, en prend également pour son grade. On rit beaucoup, même si le fond du propos n'est pas forcément léger.
Happé par cet univers à la fois profondément merveilleux et terriblement réel, le spectateur ressort conquis, tremblant d'effroi et d'excitation. La marque de toute dramaturgie réussie.
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