Pourquoi les femmes ont-elles peur de Polytechnique ? Certes, la « bosse des maths » n'est pas donnée à toutes. Mais avant tout, le métier d'ingénieure est méconnu, et la grande diversité des carrières que permet cette prestigieuse écoles est ignorée. C'est pour donner une meilleure visibilité aux perspectives offertes que veulent intervenir « les femmes de Polytechnique ». Dans un ouvrage publié au printemps 2013, elles entendent montrer la diversité des parcours, des réussites de Polytechniciennes issues de multiples promotions et venues d'horizons divers. Par l'exemplarité, elles tentent d'encourager ces jeunes filles qui n'y songent pas, ou qui n'osent pas : s'engager dans une filière scientifique et dans celle-ci en particulier, disent-elles, c'est se donner beaucoup d'atouts personnels pour son avenir professionnel.
Quand en 1972, Michel Debré, alors ministre de la Défense de Georges Pompidou ouvre le concours prestigieux de Polytechnique aux filles, quelques hardies pionnières se présentent. Persuadée qu'aucune n'entrera dans le saint des saints des grandes écoles d'ingénieurs, la hiérarchie militaire, stupéfaite, est obligée de se rendre à l'évidence : 7 jeunes filles sont reçues, et parmi elles, la major de la promotion, Anne Chopinet-Duthilleul.
Dominique Senequier, Président du Directoire d' Axa Private Equity , et qui a fait partie de ces lauréates historiques, se souvient avec humour de ces moments-là. « Rien n'était prévu pour nous accueillir. D'abord, pas de logement. On nous a toutes mises à l'infirmerie. Et puis quels vêtements ? Faute d'avoir anticipé, on nous a dégoté des survêtements, un peu trop grands pour celles qui étaient de petite taille. Autre question : que nous faire faire ? S'appuyant sur la toute petite expérience des femmes dans l'armée, on nous a demandé d'éplucher les pommes de terre... Au bout d'un mois, à ce régime-là, il nous a fallu revendiquer un autre traitement ! »
Depuis quarante ans les conditions ont évolué, à commencer par l'uniforme confié, après appel d'offres, au tailleur du Général De Gaulle. Mais le nombre de femmes qui intègrent l'X, reste minoritaire. A peu près stable, il reste de l'ordre de 18% en moyenne des effectifs de l'école, 61 sur 400 actuellement.
Alors que la répartition entre les filles et les garçons en classes terminales scientifiques est presque équilibrée - 45 % de jeunes de filles les fréquentent et en sortent avec des résultats souvent supérieurs à leurs camarades masculins - l'évolution après le baccalauréat rompt cet équilibre. Pourquoi ?
Des élèves de l'X, promo 2009, ont analysé les raisons pour lesquelles Polytechnique, non seulement ne séduit pas les bachelières et mais de surcroît accueille, en proportion, moins de femmes que d'autres grandes écoles scientifiques : les étudiantes sont majoritaires à l'Agro-Paris-Tech, en égalité à HEC, et atteignent moins de 20 % à l'X.
De leur étude, trois motifs majeurs ressortent : « l'absence de vocation, le goût pour la diversité plutôt que pour l'efficacité, la fidélité au milieu social ».
Premier constat : les étudiantes qui ont une vocation, se dirigent plutôt vers la médecine. Pour ce qui concerne les filières scientifiques « tout se passe comme si les filles (...) le faisaient par défaut. » relatent les auteures de l'étude. Elles ajoutent : « les filles semblent rechercher la diversité dans leurs études alors que les garçons s'intéressent plus à l'efficacité et la rentabilité professionnelle de leur parcours ». Troisième facteur enfin. Les filles ne s'engagent dans des filières très sélectives à dominante scientifique, seulement si elles y sont fortement encouragées par leur environnement familial. De fait, elles s'interdisent l'accession à des milieux dont elles ne sont pas originaires. « L'ascenseur social est sexiste » concluent les auteures...
Inverser la tendance
Comment inverser la tendance ? La première action est la publication de l'ouvrage Femmes de progrès, Femmes de Polytechnique , à l'occasion de l'anniversaire des 40 ans marquant l'entrée à l'X de la première promotion, la promo historique.
En quarante portraits, rédigés par deux journalistes de la presse économique Solveig Godeluck du quotidien Les Echos et Sylvie Hattemer-Lefebvre de l‘hebdomadaire Challenges , le livre retrace parcours professionnels et personnels de ces femmes , ces X qui ont investi tous les secteurs de la société : l'industrie, la recherche, la finance, les transports, l'environnement, l'armée, la politique, dont font partie notamment Nathalie Kosciusko-Morizet et Karine Berger.
Détaillant leur cursus, comme leur approche de l'existence, les deux journalistes montrent que ces femmes toutes auréolées d'une réussite hors du commun, ont des passions, des hobbies, pratiquent un art ou un sport, sont confrontées elles aussi au 'plafond de verre', comme aux réalités, les plus banales du quotidien. Elles se marient, ont des enfants - 80% des Polytechniciens de 26 à 42 ans vivent en couple-, elles prennent en charge leur vie personnelle et familiale. Et si l'école leur ouvre la voie royale et presque assurée d'une belle carrière, pour tout le reste, les polytechniciennes sont bel et bien des femmes comme les autres.
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--Prix de vente : 25 €
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