Les Philosophes et l’amour

Un livre drôle et instructif sur la face intime de nos penseurs, d'Aude Lancelin et Marie Lemonnier

Avec Les Philosophes et l'amour, Aimer de Socrate à Simone de Beauvoir, Aude Lancelin, agrégée de philosophie, et Marie Lemonnier, philosophe de formation, nous entrainent joyeusement dans une revue des différents regards des grands penseurs sur l'Amour en émaillant leur livre d'anecdotes sur leur vie intime. Instructif et drôle.


Aude Lancelin et Marie Lemonnier - Photo William Beaucardet



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Platon, Lucrèce, Montaigne, Rousseau, Schopenhauer, Rousseau, Kierkegaard, Nietzsche, Heidegger, Sartre, sans oublier Kant, à la libido zéro, Aude Lancelin, agrégée de philosophie, et Marie Lemonnier, philosophe de formation, les passent tous à la radiographie afin d'examiner leurs pensées (pas seulement) sur le vaste sujet de l'Amour. En tirent-elles une certaine jubilation, on ne le saura jamais. Toujours est-il que ce livre bien écrit, de façon vivante et accessible, est à la fois drôle et instructif tant sur les différents regards des grands philosophes sur l'Amour que sur certains aspects de 'leur vie amoureuse'.


L'Amour, accès à l'éternité ou leurre mortel

Au fil des pages, on constate que si l'amour est une ouverture à l'éternité pour Platon, il est un leurre mortel chez Lucrèce, un défi de toute une existence pour Kierkegaard, une simple ruse de l'instinct sexuel chez Schopenhauer. Quant à Rousseau, l'inventeur du romantisme, difficile de trouver système philosophique plus étroitement lié aux névroses de son auteur.

Lorsqu'on se lève le matin pour écrire 'L' Etre et le Néant' ou 'La Critique de la raison pure', difficile de pouvoir subir les assauts quotidiens d'un dragon domestique ou d'une bombe fatale. Et pourtant... Les philosophes eux aussi ont connu les affres de la passion et ont pensé l'amour. Le livre d'Aude Lancelin et Marie Lemonnier dévoile la vie intime des grands penseurs, parfois méconnue. Le donjuanisme forcené de Sartre, l'absence légendaire de toute libido chez Kant, les ratages de Nietzsche avec les jeunes filles ou encore les poèmes maladroits envoyés à la belle Hannah Arendt par un Heidegger transi d'amour. Et aussi Socrate qui, à la maison, avait affaire à une véritable harpie dénommée Xanthippe. Elle lui reprochait notamment ses activités de penseur, aussi dangereuses que peu lucratives. Xanthippe ayant un jour balancé une bassine d'eau grasse à la tête de Socrate, le vieux sage grec aurait stoïquement répondu à cette douche devenue historique d'un 'Petite pluie abat grand vent'. Autant d'épisodes graves ou drôles dont chacun pourra tirer les leçons dans sa propre vie.




Extrait du livre

Un lieu commun solidement établi veut qu'amour et philosophie fassent mauvais ménage. Chambre à part même, au moins depuis les temps modernes. Au désenchantement généralisé du monde, l'amour, sentiment enchanteur entre tous, aurait très mal résisté. Le petit Cupidon, à l'aspect à la fois puéril et hostile, ses ailes dissimulant un arc meurtrier, aurait rejoint les autres dieux au cimetière des vieilles inepties. Au fond, la tradition pessimiste des moralistes français aurait remporté la bataille de l'amour. Sous le romantisme godiche, c'est le réel du sexe, du calcul et de la volonté de puissance qui se dissimulerait grossièrement. Le sentiment amoureux ne vaudrait donc guère deux heures de peine conceptuelle. Abordant un sujet si central dans la vie humaine, ce n'est d'ailleurs pas une mince surprise que de constater qu'il est presque une friche tombée en déshérence, abandonnée aux romanciers du nihilisme sexuel, aux sociologues d'une nouvelle «confusion amoureuse», ou à une religiosité de pacotille. Nul ne s'essaye vraiment à confronter les différents regards philosophiques sur l'amour, au point que l'on viendrait presque à trouver davantage de profondeur sur le sujet dans les chansons populaires que chez les penseurs contemporains.
Cette stupéfaction-là, Arthur Schopenhauer l'exprimait déjà avec force dans Le Monde comme volonté et comme représentation, paru en 1818. «On devrait plutôt se montrer surpris de ce qu'un objet qui joue un rôle si remarquable dans la vie humaine n'ait pour ainsi dire jamais été jusqu'ici pris en considération par les philosophes, et se présente à nous comme une matière que nul n'a encore traitée.» C'est exagérer, bien sûr. Se moquer, même, quand l'irascible philosophe prussien en vient à réduire la réflexion platonicienne à une affaire d'amour homosexuel grec. Mais c'est aussi pointer un vrai mystère. Le paradoxe, en effet, c'est que la philosophie, née en Grèce avec la question de l'amour, telle la Vénus surgissant nue du coquillage botticellien, semble avoir renié cette provenance. Son initiateur, Socrate, affirmait ainsi dans le Banquet de Platon ne rien savoir sauf sur «les sujets qui relèvent d'Eros». Une déclaration prometteuse qui ne sera guère suivie d'effets. Il faudra ainsi attendre Kierkegaard pour que l'amour soit à nouveau envisagé en mode de compréhension de l'existence.

- Aude Lancelin, agrégée de philosophie, et Marie Lemonnier, philosophe de formation, sont toutes deux journalistes au Nouvel Observateur.


- Les Philosophes et l'amour
- d'Aude Lancelin et Marie Lemonnier
- Editions Plon
- Genre : Essais et Documents
- 140x225 mm
- 252 pages
- Parution: mars 2008
- Prix: 19,90 €



Par Nicole Salez

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