La Baie des Anges, de Jacques Demy

La passion Moreau

Le 31 juillet 2013 sortira sur nos écrans la version restaurée de la 'Baie des Anges', signée par Jacques Demy en 1962. Demy y décrit la passion du jeu comme il l'aurait fait de l'alcool ou de la drogue. Jeanne Moreau y est magnifique.


Jeanne Moreau dans La Baie des Anges

Cheveux platine et paupières charbonneuses, habillée d'un tailleur blanc et de temps à autres, de somptueuses fourrures ou de déshabillés transparents noirs, Jeanne Moreau est sublime. Possédée par la passion du jeu, Jeanne Moreau, ou plus précisément Jackie, jette aux orties, presque indifférente, les reliquats de sa vie : un mari riche, un fils de 3 ans. Comme elle est prête à chaque instant, à balayer le jeune et beau Jean Fournier, (interprété par Claude Man) et son amour naissant. Jean, elle dit ne l'aimer que parce qu'il lui porte chance à la roulette, comme 'un fer à cheval est censé porter bonheur', prompte à le renvoyer si l'effet magique disparaît.

Ecrit et réalisé par Jacques Demy en 1962, ' La Baie des Anges ', son deuxième film, fait l'objet aujourd'hui d'une version restaurée

*La restauration est réalisée par Ciné-Tamaris. Après Lola , Ciné-Tamaris a entrepris en 2012 la restauration de tous les films de Jacques Demy
et sera présent en salles à compter du 31 juillet. Tournant en noir et blanc, Demy a choisi d'accentuer les contrastes visuels - très blancs, très noirs - un peu comme un symbole. Blanc, symbole de l'amour opposé au noir de la déchéance ? Symbole des états par lesquels passent les joueurs, sortes de montagnes russes qui, un jour les portent au sommet et les plongent le lendemain dans les bas-fonds ?

Jeanne Moreau et Claude Man dans la Baie des Anges


L'addiction au jeu décrite par Demy, c'est d'abord l'addiction tout court. «J'ai voulu démonter et démontrer le mécanisme d'une passion» écrivait Demy.«Cela pouvait être aussi bien l'alcool que la drogue, par exemple. Ce n'était pas le jeu en soi.»

A ce titre, le brutal plongeon de Jean Fournier, son cheminement, ses tentatives pour échapper à l'enfermement, sont habilement décrits par Demy. Connaissant le risque et sa fragilité personnelle, Jean se laisse influencer par son insistant et persuasif collègue, Caron( Paul Guers), qui va l'enferrer dans le piège du gain facile, et l'amener à prendre, sur un coup de tête, ses distances avec ce qui était la base de son existence.Tiraille entre cynisme affiché et remontée de ses valeurs et ses sentiments - un amour qui naît, la tendresse et le respect pour son père - Jean a du mal à trouver sa voie.

Pépite de cette pépite cinématographique : la musique de Michel Legrand qui accompagne comme un leitmotiv, le mouvement de flux et de reflux de cette passion.

Par Elsa Menanteau
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