Kenzo Takada : Vente aux Enchères

Le créateur japonais Kenzo Takada se sépare de sa collection d'oeuvres d'art lors d'une vente qui a lieu les 16 et 17 juin 2009 à la salle Drouot-Montaigne, sous le marteau de Aguttes. Avant cela la collection estimée à environ 1,5 million d'euros est exposée au grand public les 13, 14 et 15 juin.

Aguttes: catalogue de la vente Kenzo Takada des 16 et 17 juin 2009


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1300 objets d'art de la collection de Kenzo Takada sont mis en vente les 16 et 17 juin 2009 à Drouot Montaigne. Au total la valeur de cette collection 'd'un citoyen du Monde ' a été estimée à environ 1,5 million d'euros ! En dehors de sa maison de 1100 m² et ses jardins japonais près de Bastille, figurent parmi les trésors dont se sépare le couturier des laques japonaises, des statuettes chinoises, des poupées amérindiennes, une collection de kimonos ou un cheval de bois agé de 2000 ans. Agé de 70 ans, Kenzo souhaite dorénavant mener une vie différente dans son appartement de la rive gauche.

Une tête de buddha du Myanmar (Birmanie)

Kenzo Takada : La collection d'exception d'un citoyen du monde

L'univers créatif de Kenzo est celui d'un artiste tout à la fois pétri de culture traditionnelle japonaise et totalement ouvert sur le monde.
Ses créations, tout comme son environnement quotidien, sont clairement marquées par cette ouverture d'esprit, cette curiosité insatiable, envers les peuples et les cultures. Contrairement à d'autres collections prestigieuses dominées par la suprématie du grand goût classique occidental et au sein desquelles les arts extra-européens ou noneuropéens ont une fonction essentiellement décorative, l'univers de Kenzo est centré sur des objets témoignant des spiritualités non occidentales et représentant les cultures des cinq continents. Dans cet ensemble, c'est l'Europe qui est cette fois-ci globalement réduite au mobilier et à la décoration.

Grand Silène nu déhanché dans l'attitude de l'ivresse. Art romain

Les collections de Kenzo témoignent parfaitement de son art de vivre, en harmonie avec ses racines orientales et sa vie cosmopolite. Comme pour la mode qu'il a révolutionné dans les années 70 à travers ses métissages de couleurs et de tissus, Kenzo aime mélanger les objets, les styles et les époques pour susciter un dialogue entre les cultures.

Cet ensemble étonnant a été constitué pendant une vingtaine d'années, au gré des rencontres, des voyages et des coups de coeur, toujours avec un oeil et un goût sûrs. Chacune des oeuvres a été acquise pour s'intégrer à la vie quotidienne du couturier, dans une maison elle aussi totalement imaginée et créée par lui selon la tradition architecturale japonaise et le mode de vie oriental. C'est cette demeure incroyable, en plein Paris, à deux pas de la Bastille, qui a servi d'écrin à plus d'un millier d'objets formant les collections de Kenzo.

Aujourd'hui, Kenzo tourne la page et met en vente à la fois sa maison et ses collections pour s'orienter vers un mode de vie moins contraignant, plus souple et plus libre, privilégiant notamment une résidence aux dimensions plus raisonnables, avec une vue sur Paris pour admirer les couchers de soleil sur la Seine qu'il aime tant.

Petite poupée ham pilu Fali du Cameroun

Si les objets faisant partie des collections de Kenzo sont pour la plupart remarquables, souvent d'une insigne rareté et dignes des plus grands musées, ils appartiennent à des typologies qui offrent aujourd'hui encore de fortes opportunités en terme de progression des prix. Les arts asiatiques non chinois notamment restent globalement abordables, pour ne pas dire sous-côtés au regard de leurs qualités. Les lots qui sont dispersés aux enchères peuvent être regroupés en plusieurs ensembles cohérents.

'Mang pao' de mandarin en fine toile de chanvre et soie noire, rebrodée en fils d'or de dragons impériaux à cinqs griffes autours d'une perle

L'art sacré asiatique

Dès l'entrée dans la maison de Kenzo, le visiteur est saisi par les représentations bouddhiques du Gandhâra, région où l'image bouddhique a été créée au Ier siècle de notre ère sur des archétypes apolliniens gréco-romains, illustrant déjà l'idée de rencontre et de mixité entre l'orient et l'occident.

On découvre notamment un très important Buddha en teck laqué de l'ancien royaume de Pagan en Birmanie, rare et précieux témoignage de la grandeur de cette culture avant qu'elle ne soit anéantie par les invasions Mongoles au XIIIème siècle.

Paire de vases en bronze à décors de végétaux et de calligraphie incrustés. Indochine

Puis on admire un bel ensemble de sculptures d'Asie du Sud Est avec des sculptures en pierre et en bronze Khmers (dont un superbe ensemble de rarissimes sculptures pré-angkoriennes en or, VIIème-IXème siècles) ainsi qu'une rare collection de buddhas en cristal de roche.

L'archéologie chinoise

L'archéologie chinoise est illustrée par quelques objets remarquables, d'une qualité « muséale » rarement vue en vente publique : deux paires de figures funéraires en bois avec vêtements de soie, provenant des régions du Hubei et du Hunan, Royaume de CHU, époque des royaumes combattants Vème - IIIème s. avant J.C.(estimation : 30/40 000 € pour l'une et 40/60 000 € pour l'autre), des dames de cour d'époque Tang, province du Shaanxi circa première moitié du VIIIème siècle (15/20 000 € chaque), ou encore un remarquable cheval en bois d'époque Han, de grande dimension, Chine du Nord Ouest, IIème siècle avant J.C. - IIème siècle après J.C. (estimation : 80/100 000 €).

Vase en bronze de forme sphérique, surmonté d'un col évasé. Japon

L'art japonais

L'art japonais est brillamment représenté : dans ce domaine aussi, les pièces de la collection Kenzo sont d'une rare importance, bien supérieure aux curiosités d'exportation qui ont popularisé l'art japonais en occident dès le XIXe siècle. Ainsi, la collection ne compte pas moins de sept laques de type Négoro, dont la dispersion constitue un véritable événement sur le marché international. A retenir tout particulièrement, une important aiguière de la fin du XVIème siècle (estimation : 15/20 000 €), dont deux modèles tout à fait identiques comptent parmi les trésors du Musée Guimet et de la Freer Gallery of Art de Washington, ainsi qu'un bassin Tarai de la même époque, estimé 8/10 000 €. Un superbe paravent de l'école de Kano, réalisé au XVIIe siècle par le grand peintre Kano Tsunenobu côtoie des céramiques liées à la cérémonie du Thé (la maison abrite une pièce « japonaise » exclusivement réservée au thé) ainsi que des céramiques de grands maître potiers (rappelons qu'au Japon, les potiers peuvent être classés « trésor national vivant »).

Du côté de l'Amérique

Du côté de l'Amérique, un bel ensemble de poupées Kachina, dont certaines provenant de l'ancienne collection André Breton, répond à de rares céramiques Acoma et aux coiffes de plumes des indiens des plaines mais aussi à une série de photos de portraits d'indiens de la fin du XIXème siècle.

L'Afrique

Cape longue à capuche en grosse laine rouge ouverte sur le devant, agrémentée de petits boutons et bande rouge sur la capuche - Afrique du Nord
L'Afrique s'illustre avec quelques objets, dont une harpe Mangbetou, des masques Punu et Dogon, ou encore une importante statue de Tanzanie.

L'Océanie

L'Océanie est représentée par une superbe hache votive Kanak, un rare masque de Nouvelle Bretagne, des spatules à chaux en écaille de Nouvelle Guinée ou encore un ensemble de boucliers et de propulseurs australiens. Enfin, parmi les ensembles remarquables qui seront mis aux enchères, une incroyable collection de kimonos et de robes chinoises et d'Asie Centrale côtoiera certains prototypes de Kenzo créés par des maisons prestigieuses comme Baccarat (verrerie, paravent, mobilier, tapis...).

Ces oeuvres, dans leur diversité, leur harmonie et leur spiritualité, nous invitent à découvrir l'univers étonnant et riche d'un artiste qui fut, dès ses débuts dans la mode, le précurseur d'une notion nouvelle : celle de « citoyen du monde ».

Par Nicole Salez