Le photographe Jean-Christophe Béchet a sillonné et flashé l'Amérique au cours de 17 voyages entre 1996 et 2011 : la parution de son livre « American Puzzle » et deux expositions de son travail à Paris nous entraînent sur la route de cet héritier de la photographie de rue. Entretien.
Photographe d'origine marseillaise, Jean-Christophe Béchet vit et travaille depuis 1990 à Paris. Ses travaux personnels ont débouché sur de nombreuses expositions et la publication de sept monographies. Son actualité est aujourd'hui focalisée sur l'Amérique. Nous l'avons rencontré.
Que vous a fait l'Amérique pour que vous décidiez de « flasher » si longtemps sur elle ?
Ma culture photo s'est construite autour de la photo américaine. La première fois que j'ai voyagé aux Etats-Unis, j'ai eu l'impression de retrouver en « live » les photos de Lee Friedlander, William Eggleston, Walker Evans, Robert Frank, Garry Winogrand..., des auteurs qui m'ont profondément marqué. J'étais comme un jazzman qui va en pèlerinage à la Nouvelle Orleans ! Au fil des années, voyage après voyage, j'ai commencé à construire mon propre regard sur ce pays. Je l'ai vu comme un « colosse aux pieds d'argile ». En dehors de quelques ilots de prospérité, j'ai découvert un territoire cabossé, renfermé sur ses certitudes et ses habitudes, un pays à la fois très homogène, très sûr de lui et pourtant toujours inquiet.
Du coup, moi aussi, je m'y suis senti en état d'inquiétude, et c'est cela que j'ai essayé de retranscrire : aux USA, je suis un visiteur inquiet ! L'inquiétude est un de mes moteurs, cela donne du sens à ce que je vois dans le viseur de mon appareil photo.
Vous avez deux projets : Marseille, votre ville natale et une série de photos sur la montagne. Où en êtes-vous ?
Le travail sur Marseille sera présenté en 2013 dans le cadre de « Marseille capitale européenne de la culture ». Cet événement m'a poussé à mettre un point final à une série de photos que j'accumule depuis vingt ans sur ma « ville natale ». Raymond Depardon, avec qui j'échange régulièrement sur ces questions de photographie urbaine, me pousse depuis des années à photographier Marseille. J'ai tout fait pour éviter ce sujet qui me semble être un piège, mais là, je ne peux plus me dérober, je dois y aller ! On verra si ça fonctionne, mais Marseille me semble être une ville très complexe à saisir. Même, et peut être surtout pour un marseillais qui y a vécu 20 ans...
Quant à la montagne, c'est mon autre « territoire intime ». J'en arpente depuis longtemps les hautes altitudes, là où seule la pierre existe, où le chaos minéral règne. Là encore, je retrouve mon sentiment d'inquiétude, d'autant que j'ai le vertige ! Mon travail s'appuie aussi sur des sentiers qui furent il y a 70 ans des chemins d'exode. Mais je ne veux pas en dire plus pour l'instant, sinon que cette série de photos compte beaucoup pour moi et que j'espère la finir en 2014 pour fêter mes 50 ans !
La photo, l'image, sont aujourd'hui les vecteurs premiers d'une communication mondialisée. Les entreprises l'ont compris en cherchant à adosser systématiquement leur marque à une image. Quel regard le photographe professionnel porte-t-il sur les rapports entre l'art (de la photo) et le business ?
Déjà je ferais une différence entre la photo et l'image. Le problème de l'artiste et notamment du photographe est qu'il dépend de ceux qui peuvent se payer son travail. La photo est un art onéreux, surtout quand, comme moi, on voyage pour photographier et que l'on recherche une certaine qualité de matière dans ses livres ou ses tirages d'exposition. Il faut alors trouver des solutions parallèles, des « stratégies » financières, car une photographie d'auteur exigeante et personnelle ne peut pas être autofinancée, même si on a déjà une certaine notoriété.
Les marques et les entreprises que vous évoquez agissent majoritairement dans le monde de la publicité et de la mode. Or ce sont deux secteurs que je connais mal. Dans la photographie que je pratique, comme dans celle que je connais, il y a très peu de «marques » et d'entreprises, donc finalement très peu de «business». Nous sommes le plus souvent dans une forme d'artisanat et de débrouille. Il faut en effet se méfier des effets d'annonces qui font croire à certains que la photographie est un secteur lucratif et que les photos se vendent facilement très cher en galerie. Chaque fois que l'on parle de la photo dans un grand média, c'est pour citer un record de prix ou une anecdote qui n'a rien à voir avec la réalité. La photographie que je connais et que je pratique est davantage un art de l'intime que du spectaculaire. Or seul ce deuxième aspect est exploité par la plupart des marques, et même par le marché de l'art.
Chantal Nedjib est la fondatrice d'une agence de conseil en communication spécialisée dans la relation entre les entreprises et la photographie. Plus d'informations sur http://chantal-nedjib.com/
L'actualité de Jean-Christophe Béchet
Expositions :
- Jusqu'au 5 avril 2012 : Les Douches la Galerie
5 rue Legouvé —, 75010 Paris
www.lesdoucheslagalerie.com
- Du 8 mars au 15 avril : Galerie « Photo4 » à Paris
4, rue Bonaparte - 75006 Paris
« American puzzle »
Editions Trans Photographic Presse
Bilingue français-anglais - 175 photographies, couleurs et noir et blanc
www.transphotographic.com
Expositions :
- Jusqu'au 5 avril 2012 : Les Douches la Galerie
5 rue Legouvé —, 75010 Paris
www.lesdoucheslagalerie.com
- Du 8 mars au 15 avril : Galerie « Photo4 » à Paris
4, rue Bonaparte - 75006 Paris
« American puzzle »
Editions Trans Photographic Presse
Bilingue français-anglais - 175 photographies, couleurs et noir et blanc
www.transphotographic.com
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