Le 7 janvier dernier, le créateur brésilien Gustavo Lins a été élu membre permanent de la très Select Chambre syndicale de la Haute Couture, après plusieurs saisons en tant qu'invité. Peu d'exubérance dans sa collection Printemps-été 2011 si ce n'est parfois une épaule ou un côté délicatement dévoilé. De l'essentiel, de la rigueur, des lignes épurées, des volumes construits et une palette de couleurs sobres : noir, blanc, joli camaïeu de gris. L'oeuvre d'un architecte de formation.

(Voir des photos du défilé Gustavo Lins printemps-été 2011 réalisées par Etienne Tordoir en Portfolio)
Je ne perds jamais de vue cette connaissance pragmatique - ni le regard respectueux et admiratif que je porte à l'anatomie - qui font qu'un vêtement doit être selon moi une armature légère aussi concrète qu'intellectuelle, un véritable espace à habiter. Gustavo Lins
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'Ma formation d'architecte, mon expérience de modéliste pendant quinze ans auprès de grands noms de la couture parisienne, puis la création de ma propre marque en 2003, m'ont apporté la conviction que la structure d'un vêtement est de nature solide, faite de lignes affirmées et de perspectives, exactement comme dans la construction d'un espace architectural. Pour élaborer chacun de mes vêtements, je pars d'une mise en place des axes et des points intangibles du corps : les points de carrure, la taille, les articulations, la jonctions des lignes entre l'entournure du corps et le tour de manche... Je ne perds jamais de vue cette connaissance pragmatique - ni le regard respectueux et admiratif que je porte à l'anatomie - qui font qu'un vêtement doit être selon moi une armature légère aussi concrète qu'intellectuelle, un véritable espace à habiter.
Etudier la manière dont les vêtements prennent appui et tombent sur le corps m'a conduit à transposer littéralement le vocabulaire de l'architecture - poutre et pilier - pour parler du corps habillé. De collections en collections, le signe d'un T renversé - correspondant à la règle de l'architecte - est devenu beaucoup plus qu'un motif récurrent ou une simple signature : tracé en multiples surpiqûres, c'est un principe définitoire qui m'aide à ancrer l'enveloppe textile sur les points névralgiques du corps, en structurant par exemple les pantalons aux genoux et les vestes aux coudes, ou bien encore en stigmatisant l'axe du dos entre les omoplates ou à la naissance de la taille. J'ai cherché ensuite à faire tourner ce bâti initial pour lui donner une inflexion, comme si un souffle extérieur - celui-là même qui naît du mouvement d'une main qui caresse - faisait vriller le vêtement autour du corps. Cet effet plus ou moins marqué imprime au vêtement une fluidité qui sera encore accentuée par le déplacement naturel du corps dans l'espace. Il matérialise le perpétuel mouvement de la vie.
Dans la poursuite de cette réflexion, la structure du kimono japonais traditionnel me passionne depuis longtemps : son module de base rigoureux - 5,5 largeur par 5,5 longueur formant un carré - en fait au départ une coupe de vêtement plus masculine que féminine. J'ai puisé mes premières sources d'inspiration dans la manière différente dont le corps masculin et le corps féminin se l'approprient, également dans le lien établi avec l'environnement qui l'a vu naître : en regardant les estampes japonaises d'Utamaro, j'ai constaté par exemple à quel point le décolleté très ouvert du kimono pour homme - dans son drapé dégageant toute la poitrine, l'estomac et le ventre - entrait en harmonie avec les paysages naturels du Japon, décrivant des volutes identiques à celles par lesquelles le peintre illustrait l'ondoiement des eaux en quelques coulures d'encres. '
Gustavo Lins
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