Geneviève Rozental directrice du Théâtre Aire Falguière

Geneviève Rozental, directrice du Théâtre Aire Falguière dans le 15e à Paris nous présente sa vie de passions, son théâtre, son choix de faire jouer des auteurs vivants et son spectacle L'Homme en Morceaux d'Elie-Georges BERREBY, qu'elle a mis en scène. Représentations jusqu'au 30 novembre.

Dans les propos de Geneviève Rozental, le mot passion revient souvent, normal il faut être passionnée pour diriger un théâtre comme L'Aire Falguière.



Le théâtre n'était pas une passion d'enfance ?


Je n'ai jamais fait de théâtre à l'école. Je suis agrégée d'espagnol et j'ai passé ma vie professionnelle à entrer et sortir du système pédagogique. J'ai eu la passion de l'enseignement pendant dix ans mais à un moment j'ai pensé que j'avais autre chose à faire et que j'en avais fait le tour. La routine était trop forte. J'ai senti que si je continuais, j'allais me dessécher. On ne peut pas faire ce même métier de la même façon de 25 à 65 ans.

Quand est venue la passion du théâtre ?

J'ai commencé par la critique dramatique. J'allais voir des pièces et je réfléchissais au pourquoi elles étaient ratées ou bien réussies. J'ai même eu la possibilité d'assister aux répétitions pour voir la construction de la pièce de l'intérieur. Je n'avais pas conscience d'être plus artiste que critique à ce moment-là.

Vous avez été prise par la passion de la création ?

Pas tout de suite. La première idée après l'enseignement a été d'échapper à la routine. Mon premier défi a été de passer une année en Amérique latine, qui, en tant que professeur d'espagnol, m'attirait. Je voulais enquêter sur le théâtre et aussi sur les femmes de ces pays. Pour comprendre la société, il fallait étudier la place des femmes, qui y est essentielle. Elles sont la colonne vertébrale de ces pays. Cette démarche était une grande priorité pour moi. Le résultat de cette année d'investigation a été trois «papiers» dans Le Monde .

En route pour la passion « théâtre » ?


Au retour, avec l'auteur Berreby avec qui j'ai fait un bout de chemin professionnel et personnel, nous avons eu un premier théâtre de 120 places à Montparnasse, au fond de l'impasse de la Gaîté. Maintenant c'est devenu une agence de voyages.

En quelques années le théâtre m'a épuisée. Je faisais de la formation continue la journée et de 18h à minuit, j'étais au théâtre. Là commençait une seconde journée à faire l'accueil, les entrées et quelquefois, j'allais voir un spectacle dans un autre lieu. Quand on m'a proposé un poste dans le réseau culturel public, j'ai préféré vendre le théâtre et je suis devenue directrice de centre culturel puis attachée culturelle. C'est une tâche qui m'a passionnée.



http://www.aire-falguiere.com/

Où votre passion culturelle vous a-t-elle amenée ?

La première destination a été l'archipel du Cap-Vert. C'était assez surréaliste. J'ai débarqué là-bas cinq ans après l'indépendance. On manquait de tout. Quant nous avions besoin de clous il fallait attendre l'arrivée du bateau suivant. Quand ce bateau providentiel arrivait, les gens se précipitaient pour acheter les produits de première nécessité. Après cela j'ai eu le sentiment qu'on pouvait m'envoyer n'importe où, je pouvais me débrouiller.
J'allais de temps en temps, sous prétexte de comptabilité, à Dakar et je rapportais par la valise diplomatique des haricots verts et des pommes. On manquait de farine mais on trouvait toujours du whisky !

Vous n'aviez pas peur de tomber dans la routine ?

Je suis restée trois ans puis ensuite j'ai été nommée auprès de l'ambassadeur du Costa Rica. Quand je suis arrivée dans un supermarché j'ai été éblouie par l'abondance de produits. C'est un petit pays où tout est cultivé, de l'ananas à la pomme de terre.
Il y avait aussi une grande vie culturelle. Je travaillais plus particulièrement à mettre en valeur notre culture, à favoriser l'attribution de bourses pour faire venir des étudiants en France.

Dans différents pays, je me suis occupée de la coopération technique. Au Costa Rica, il s'agissait de coopération pour le café avec l'INRA de Montpellier. Au Sri-Lanka, la coopération technique avait pour thème, la télévision.

C'était passionnant ! Tous les trois ans, on change de vie quand on change l'affectation. Mais comme j'étais «prêtée» par le ministère de l'éducation au ministère des affaires étrangères, il a fallu un jour que je revienne en France. Je suis redevenue professeur.

Vous n'avez pas eu de mission culturelle au sein du Ministère de l'éducation ?

Nous ne sommes que des pions sur un damier. On considère que vous êtes professeur et on ne va pas plus loin. Les expériences acquises ne sont pas valorisées. Nos compétences pourraient servir à autre chose...C'était assez dur de quitter un bureau avec deux secrétaires pour exercer dans une ZEP. Heureusement, je crois devoir à des années de yoga de ne pas avoir sombré dans la dépression.
Au bout d'un an je me suis demandé ce que je pouvais faire et je me suis lancée dans une mise en scène au théâtre des Déchargeurs.



La passion du théâtre et de la création, revenait au premier plan ?

Belle échappatoire. Le spectacle a bien marché. Puis, avec mon complice Berreby, nous nous sommes dit qu'il valait mieux un petit chez soi. Comme je souhaitais m'y rendre à pied, j'ai fait des recherches autour de ma résidence pendant un an.

J'ai trouvé un atelier d'architecture que nous avons aménagé. La salle peut accueillir une cinquantaine de personnes et selon les spectacles, la vision peut être bi-frontale, de face et de côté. Mais on ne peut pas pousser les murs et nous n'avons qu'une surface scénique de 16 m² au sol.

Quelle en est la programmation ?

J'ai choisi d'y faire jouer les dramaturges contemporains en particulier même si je m'autorise des écrivains majeurs comme Cervantès ou André Breton. Je privilégie avant tout des textes de qualité ainsi qu'une belle interprétation. Nous programmons six à huit spectacles par saison. Cette année j'ai réalisé deux mises en scène : L'homme en morceaux avec Frantz Morel et Sancho Pança , un texte de Cervantès.

Nous avons un petit fond de fidèles du quartier et nous utilisons au maximum la communication Internet. Nous envoyons le programme à plus de 800 personnes.

De quoi parle« L'Homme en Morceaux» ?

Ce sont des réflexions d'un homme extrêmement fragile, sensible, éprouvé par la vie, qui ne peut pas se débrouiller dans la société. Il a une révélation qui s'apparente un peu à une parodie de Saint-Paul sur le chemin de Damas.

Alors qu'il se trouve avec sa femme et son beau-frère sur un bateau, il voit un matelas pneumatique et c'est un peu comme s'il voyait Dieu. Il se persuade que la vie est facile. C'est un peu de l'autosuggestion, une sorte de folie douce où se mélangent la réalité du passé et le présent qui le rattrape. Il parle de sa douleur d'avoir été lâché par sa femme Églantine et s'invente des choses pour rêver sa vie. Qui ne s'est jamais dit : « est-ce que je me suis trompé ? »



Je ne suis pas seule pour assurer cette mise en scène puisque depuis quelques spectacles Diana Ringel, professeur de théâtre, intervient dans la direction d'acteurs, alors que je me concentre sur le texte.
Nous jouons jusqu'au 30 novembre. Puis le spectacle reprendra en janvier une fois par semaine, les mercredis soir.


Sancho Pança : à partir du 5 novembre, mardi à 19h00 et le dimanche à 15h 30 en alternance avec L'homme en morceaux et « Nadja » d'André Breton.

Réservations sur le site du Théâtre aire-falguière et par téléphone 0156580232 .

Pour recevoir la programmation : utiliser la même adresse mail pour communiquer votre adresse mail.
Les volumes un et deux des œ,uvres théâtrales de berreby, auteur de L'homme en morceaux, sont réédités chez le Cherche-Midi Editeur.



Par Veronique Guichard

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