10 questions pour mieux concilier l'économique et le social
Les élections du Parlement Européen se dérouleront le 7 juin 2009. Jacques Brouillet avocat au Barreau de Paris et fondateur de l'IES (Institut Européen des Juristes en droit social) s'alarme de l'indifférence croissante des citoyens pour ce scrutin, de l'éloignement des élus, des faux débats, de l'incohérence des politiques mises en oeuvre pour sortir de la crise financière, économique et bientôt sociale.
A trois mois des élections, il pose 10 questions aux candidats. Voici sa lettre ouverte
Des enjeux à clarifier avant les prochaines élections du
Parlement Européen le 7 juin prochain
Lettre ouverte à mon Député, en 10 questions
Madame, Monsieur le Député,
Pardonnez-moi de ne pas vous appeler par votre nom, mais, en fait, je ne vous connais pas ! Pourtant, j'ai voté pour vous aux dernières élections ...et m'apprête à le faire aux prochaines d'ici peu. !!
Mais , je ne m'explique toujours pas pourquoi je n'ai jamais eu aucun lien avec vous, alors que je reçois régulièrement des lettres de MARIONNAUD, y compris pour me souhaiter mon anniversaire.... ? J'ai, par contre, toujours eu de grandes difficultés pour joindre l'un quelconque d'entre vous, depuis que la création de l'Institut Européen des Juristes en Droit Social (I.E.S) en 1989 , pour organiser des colloques avec votre participation : chaque fois je n'ai pu joindre qu'une « assistante » sans jamais être gratifié d'un rappel téléphonique
*Sauf en ce qui concerne Mme Françoise Grossetete
.
C'est pourquoi, à l'approche du scrutin pour le renouvellement du Parlement Européen (P.E) et de la Commission, je me permets de m'adresser à vous, tant il m'apparaît important de sensibiliser davantage les CITOYENS à l'enjeu de ces élections. Il est impératif, en effet, et en premier lieu, d'éviter les taux d'absentions désastreux des précédents scrutins.
*Les taux de participation sont passés de 63% en 1979, à 58% en 1989, 50% en 1999 et 45 pourcent en 2004 !
Et, je n'ose pas insister, en comparaison, sur l'absentéisme des parlementaires européens, tel qu'évoqué par l'EXPRESS du 5 au 11/3/09
Pour cela, il est indispensable que les Medias (tel celui qui m'accueille aujourd'hui) mais aussi et surtout la Presse nationale, la Télévision, et VOUS-MEMES, jouent un rôle beaucoup plus pédagogique :
Chacun n'a pu qu'être consterné par l'indigence des débats, notamment lors du référendum sur le Traité de Lisbonne, totalement pollués par des divisions politiques stériles entre partis, ou de fausses menaces (le projet de directive Bolkestein ...pourtant hors sujet pour ce scrutin ! ) alors que l'enjeu majeur était de convaincre que l'U.E. a déjà apporté beaucoup aux Français (et non seulement aux Irlandais ou Polonais ), mais ,surtout, est indispensable pour préserver le progrès économique et social de l'Europe, dans un système économico politique désormais Mondialisé.
Je vous remercie, en conséquence, de bien vouloir m'apporter VOTRE REPONSE à quelques questions que je me pose (avec parfois même un début de réponses) mais pour lesquelles, j'aimerais votre avis :
-1) Qu'entendez-vous faire pour que les CITOYENS aient conscience que l'U.E ne concerne pas seulement les « marchands » , mais leur propre avenir et leurs propres conditions de vie , et..... celles de leurs enfants ?!
-2) Pourquoi ne communiquez —,vous pas davantage sur le Bilan de l'U.E et...le vôtre ? Comment expliquer qu'on vous voit aussi peu sur les plateaux de la TV ou vous lise si rarement dans les journaux ?
Certes diverses institutions européennes multiplient (à grand frais) les publications (et dans toutes les langues...).mais leur accès est trop souvent « réservé » à quelques spécialistes, et les multiples sites institutionnels supposent une «volonté » d'aller puiser l'information.....qui a du mal à trouver une place parmi l'afflux des « nouvelles peoples » dont nous abreuvent nos divers médias.
++++
Entre Ubu et Kakka
-3) Que pensez vous dire ou faire, pour rétablir la confiance (la crédibilité ?) à l'égard de ceux qui prétendent nous gouverner...ou nous représenter, alors même qu'on peut avoir le sentiment (très souvent amplifié) que les décisions sont prises à un autre niveau, sans véritable «contrôle démocratique » . Ne conviendrait-il pas, au contraire, de «marteler » qu'aucune décision n'est prise par « Bruxelles », et, qu'en fait, elles doivent toutes être entérinées par nos gouvernants... ! Qui, paradoxalement n'hésitent pas à critiquer « BRUXELLES » ?
Est-il sérieux, dans ces conditions de contester, comme le font certains d'entre vous, la légitimité ou l'efficacité de l'actuel Président de la Commission (investi, pourtant, par un double scrutin du P-E ), alors que je n'ai pas entendu beaucoup d'observations sur le caractère pour le moins incongru de la présidence du CONSEIL par un EUROPHOBE (Tchèque) : entre UBU et KAFKA , j'hésite !
-4) Quelle est votre position concernant le CONCEPT de SUBSIDIARITE ? Est-ce celui de St THOMAS d'AQUIN ,qui pensait que pour que l'EGLISE soit Universelle, elle devait se garder de vouloir « légiférer » sur tout, et devait laisser assez d'autonomie au niveau local , à condition de respecter les grands principes (les Dogmes = les Directives ?) ? Ou l'approche des philosophes allemands qui estiment, au contraire, que la tête doit faire tout ce qui est possible et utile de faire, laissant au local ce qui est secondaire ? Certes le Traité de Rome (1957) semblait avoir opté pour St Thomas en prescrivant que l'U.E ne devait intervenir que si elle est plus efficace que le niveau national ...mais progressivement la pratique se rapproche plutôt du concept allemand ! Est-ce, selon vous, la bonne voie ? Partant du principe qu'il faut, en tout cas, privilégier les meilleures compétences, quel peut être le critère et le niveau de sélection ?
5) Quel est, selon vous, le meilleur «outil juridique » pour progresser dans la nécessaire harmonisation des réglementations (éco/socialo/fiscales) ? Règlements ? Directives ? Accords collectifs ? Vous paraît-il concevable d'adopter davantage de Règlements (notamment en matière sociale ...) dans une U.E élargie à 27 et avec une définition de la MAJORITE QUALIFIEE très mal résolue par le Traité de Nice actuellement en vigueur. De même pour les Directives...
Quant aux Accords Collectifs Européens, pourtant privilégies par les Traités de MAASTRICHT et AMSTERDAM....encore faudrait-il que les deux interlocuteurs aient la même vision du dialogue social et notamment une réelle volonté de « négocier POUR conclure » , Ce qui n'est pas toujours le cas, et parfois même de la part de la CES
*Cf. sa récente stratégie visant à refuser la proposition patronale de révision de la Directive sur les Comites d'entreprise européen ....dans l'espoir d'un texte plus favorable présenté par la Commission ... !!
Peut-être, d'ailleurs, faudra-t-il prendre conscience que c'est plutôt au niveau MONDIAL qu'il conviendra désormais d'envisager des accords collectifs... ?
*Cf. l'émergence le 31/10 06 de la Confédération syndicale internationale (CSI) et son exceptionnelle capacité de mobilisation, notamment pour des actions de BOYCOTT de certaines marques ou entreprises...
Quant à l'organisation patronale, je m'étonne encore que très peu de personnes (et notamment de députés européens) ne se soient émues de son changement de sigle, passant de l'UNICE à BUSINESS EUROPE.... Tout un symbole ! (En anglais de surcroît,) de la véritable priorité de cet organisation... Il est vrai que la question linguistique est fondamentale pour se comprendre et échanger. Mais il n'est pas sain de laisser, de facto, s'imposer une primauté, si ce n'est une exclusivité, d'UNE langue qui n'est pas, d'ailleurs, majoritaire dans le Monde d'aujourd'hui (et encore moins celui de demain, même si elle est actuellement la langue du monde des affaires, ce qui devrait suffire à la discréditer.... !! ).
Diversité culturelle
Quelles mesures entendez-vous préconiser pour maintenir une diversité culturelle richissante ? Plus que jamais l'U.E a besoin de Symboles comme se plaisent à le dire certains mais comment admettre l'abandon de la référence à la « culture » chrétienne de l'Europe, de l'hymne, ...et du drapeau européen sur le palais Tchèque ?
*Cf. E JULIEN du Medef qui souligne qu'un programme tel que celui de l'AIRBUS est, en fait un projet n'associant que quelques Etats
Peut on alors, se contenter de la METHODE OUVERTE DE COORDINATION (MOC) qui, il est vrai, est un moindre mal. N'est-ce pas, en effet, un moyen de continuer de discuter et envisager des mesures pratiques d'harmonisation, un peu dans la ligne pragmatique instaurée en son temps par Jacques DELORS , avec les Entretiens de VAL DUCHESSE ?
Doit-on enfin, attendre, encore, que la prise en compte des questions sociales dépende essentiellement du travail remarquable et tenace de la Cour Européenne de Justice (CJCE) ? Celle-ci, en effet se révèle la source et le moteur principal du Doit Social Européen, comme je le soulignais en......1989 (!!) dès la création de l' I.E.S. Et même si certains
*Cf. Mr LE HIDEUX
estiment, à juste titre, « qu'il n'appartient pas à la CJCE de créer le Droit social Européen , mais de l'interpréter », ceci n'enlève rien à son exceptionnelle capacité à s'appuyer sur les principes du Traité de Rome (limitant actuellement sa compétence à la sphère économique de la libre concurrence, se déclinant en libre circulation des biens des capitaux et des personnes ) pour s'immiscer, avec de complexes circonvolutions, dans le domaine social... !
Qu'entendez-vous faire pour que le Traité prenne plus directement en compte l'objectif social de l'U.E, dès lors qu'on ne devrait plus contester (comme je le proclame depuis tant d'années, en adéquation avec la doctrine sociale de l'Eglise) que « La finalité de l'Economie EST sociale », en ce sens quelle n'est « qu'un MOYEN dont le BUT est le progrès social » ! Cf. Mr LE HIDEUX
Ce qui permettrait à la CJCE d'agir plus directement en la matière ?
Fin du dumping social et fiscal ?
Peut-on espérer, notamment avec vos interventions, qu'on puisse élaborer des règles concrètes visant à supprimer (réduire ?) le DUMPING SOCIALO-FISCAL, l'un et l'autre étant étroitement liés : sans pour autant tomber dans un protectionnisme mortifère !
Pensez-vous concevable , comme moi, qu'on puisse instaurer un SALAIRE MINIMUM EUROPEEN qui resterait, dans un premier temps, un salaire fixé par chaque Etat, mais en fonction de critères communs tels qu'un % par rapport au salaire moyen national ou au PIB ? Ou qu'il soit opportun d'édicter des règles communes pour une meilleure Répartition de la richesse produite (V-A)
* On voit d'ailleurs émerger ces derniers temps, du fait des excès constatés pendant l'actuelle crise financière notamment en ce qui concerne les rémunérations, bonus, golden parachutes de certains etc., de nombreuses propositions pour plafonner ces rémunérations et/ou réduire les écarts
, sans pour autant négliger DEUX aspects complexes : d'une part la définition de ce qu'il reste à partager de cette Valeur Ajoutée (tenant compte des charges patronales et/ou salariales déjà réglées, de la situation des non-salariés, eux aussi producteurs de richesses, de la redistribution par l'Etat de prestations sociales) et le fait que, selon moi, il faudra enfin comprendre que « le salaire au temps passé,est dépassé » c'est-à-dire qu'on ne saurait se résoudre à rémunérer le travail selon le seul critère du temps qui lui est consacré !
Force est d'admettre que le travailleur (salarié ou non) a droit, aussi, à une part de la valeur ajoutée créée , individuellement ou collectivement ...reste à définir l'évaluation et la répartition de cette V-A !!! En tout cas, il convient de revoir l'appréciation de LA VALEUR DU TRAVAIL ...qui ne peut se réduire à un taux horaire !
*Ce taux horaire étant bien souvent défini de manière archaïque, si ce n'est fondé sur des a priori qui arrangent bien ceux qui les défendent ( cf. l'idée selon laquelle les salaires sont nécessairement faibles dans la restauration ou le tourisme, de même concernant la « valeur » du travail manuel... !)
Mais il ne faut pas oublier qu'on ne pourra espérer l'adhésion des CITOYENS à l'Europe, que si ceux-ci croient pouvoir bénéficier d'une Répartition plus équitable de ce qu'ils appellent les « profits » Ce qui revient à les convaincre que l'U.E leur apporte la meilleure garantie en la matière... !
Une Europe plus sociale
6) Si le capitalisme et le libéralisme sont, sans doute, les mieux à même de créer de la valeur ajoutée, n'est-ce pas pour mieux la répartir ? Au lieu de se contenter de distribuer davantage de profits aux (seuls) actionnaires ? Il ne s'agit pas, à mon sens, d'une dérive naturelle (en quelque sorte consubstantielle du système) mais de savoir si l'on peut changer la mentalité de quelques-uns qui n'ont qu'une vision à court terme et égocentrique de leur rôle....jusqu'à ce qu'ils soient eux-mêmes pris par la tourmente !
En un mot, pensez-vous possible de poursuivre la construction de l'Europe, si celle-ci ne doit rester qu'un grand marché ? (Qu'on pourrait, tout aussi bien obtenir avec des accords commerciaux multilatéraux) L'U.E ne doit-elle pas nécessairement devenir plus sociale, c'est-à-dire s'adresser plus directement aux citoyens si elle veut devenir une véritable « puissance » économique ET politique ?
Quelles sont vos propositions en ce sens ? Votre dessein au sujet de l'Europe est-il de vous contenter d'achever la construction d'un marché intégré de un demi milliard d'habitants, ou voulez-vous une Europe de plus de 500.000 habitants davantages intègres dans une entité capable d'organiser des POLITIQUES COMMUNES (éco, sociales, fiscales, défense éducation, affaires étrangères, judiciaires etc....) qui poussent à la convergence de niveaux de vie et de cultures, c'est-à-dire d'un MODELE SOCIETAL
La léthargie du FSE
7) Comment expliquer l'extrême complexité du recours au Fonds Social Européen ( F.S.E) et la scandaleuse léthargie du Fonds Structurel, dont il apparaît qu'on utilise à peine 3% des ressources et qu'on envisage parallèlement d'augmenter ses réserves et qu'on se livre à une véritable compétition entre PLANS DE RELANCE....purement nationaux !!
8) En bref ! Comment relancer le processus de Lisbonne, qui affichait pourtant une meilleure conciliation entre l' Economique et Social ? Pourquoi ne pas solliciter (ou du moins davantage écouter) l'avis des juristes en Droit social , qui ont choisi cette spécialité (‘moins rémunératrice que le Droit des Affaires ) avec cette ambition de changer les relations sociales qui sont , en fait, le fondement d'une SOCIETE stable !!
9) Quel type de REGULATIONS Internationales (U.E/USA ? U-E/OMC, U-E/FMI, OIT, OCDE ? etc....) pensez-vous nécessaire d'instaurer ?
L'U-E , qui n'est d'ailleurs pas encore une entité et une force politique, ne pourra manifestement pas s'en sortir seule dans l'organisation mondiale : ce qui est à la fois une raison supplémentaire de lui donner des bases solides, et d'autre part une visibilité politique plus marquée !
En tout cas, même réduite à son aspect économique et financier, il n'est que trop évident que tout système économique non régulé, ne peut conduire qu'à la faillite (J PEYRLEVADE) ou même à son auto- destruction (K. MARX), la crise actuelle en étant une triste illustration !
Est-il concevable, selon vous, d'avoir UN régulateur Européen (au lieu de 27) Ceci supposerait du moins un plus grand volontarisme des « politiques » ,tels que vous, alors que ceux-ci semblent encore trop marqués par leur engagement « national ».
Ne pensez-vous pas qu'il faudrait, d'ailleurs, que ce régulateur devienne mondial ?
10) Enfin ! Quels engagements comptez vous prendre, lors de la présentation de votre candidature, parmi les sujets évoqués ci-dessus (ou d'autres) pour que le CITOYEN comprenne que ces élections le concernent personnellement, dans la mesure où l'avenir de l'U-E (et quelle U-E ?) en dépend de manière particulièrement cruciale à ce moment de sa laborieuse construction ?
Et quels engagements, entendez-vous demander aux candidats à la Présidence de la future Commission et de ses membres ?
EN CONCLUSION : Comment comptez-vous faire ressurgir « l'Intérêt commun européen » au sein d'une Société Civile particulièrement déstabilisée ?
Croyez que nous ne sommes pas tous, et seulement, des clients de MARIONNAUD.....et que nous attendons de vous des gestes positifs de l'intérêt que vous nous portez !!!!
Dans l'espoir d'une réponse, veuillez agréer, Madame, Monsieur, le Député.
l'expression de ma considération.
Jacques BROUILLET
Président d'Honneur et Fondateur de l'IES
Avocat au barreau de Paris
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