A partir du 10 octobre 2012, le Grand Palais accueille une grande exposition consacrée à Edward Hopper. Romantique, réaliste, symboliste, et même formaliste, Hopper aura été enrôlé tour à tour sous toutes les bannières. C'est cette complexité, signe de la richesse de cette œ,uvre que s'efforce d'éclairer la première grande rétrospective à Paris consacrée au peintre américain.
Les peintures d'Edward Hopper (1882-1967) ont la simplicité trompeuse des mythes, l'évidence des images d'Epinal. Chacune d'elles est un condensé des savoirs hypothétiques, des rêves que nous inspire le fabuleux
nom d'Amérique. Expression des sentiments les plus poignants, ou pures constructions mentales, ces peintures ont historiquement donné lieu aux interprétations les plus contradictoires.
Conçue chronologiquement, cette exposition se compose de deux grandes parties , la première consacrée aux années de formation (de 1900 à 1924), rapproche les œ,uvres de Hopper de celles de ses contemporains, de celles, découvertes à Paris, qui ont pu l'inspirer. La seconde partie de l'exposition est vouée à l'art de la maturité, des premières peintures emblématiques de son style personnel - House by the Railroad - (1924), à ses œ,uvres ultimes (Two Comedians -1966).
Hopper intègre l'atelier de Robert Henri à la New York School of art dans les premières années du XXe siècle. Figure haute en couleur, Henri sera, en 1908, le fondateur d'une « école de la poubelle » (Ashcan school), dont l'intitulé dit assez le parti pris de réalisme sans concession auquel étaient attachés les plus radicaux de ses membres.
Edward Hopper : la bande-annonce par Rmn-Grand_Palais
L'évocation des séjours parisiens de Hopper (en 1906, d'abord, où il passe près d'une année, puis, pour des périodes plus courtes en 1909 et en 1910) donne lieu au rapprochement de ses peintures avec celles qu'il découvre dans les galeries, les Salons parisiens. Degas lui inspire des angles de vus originaux, le principe poétique d'une «théâtralisation» du monde. A Albert Marquet, il emprunte la structure massive des vues des quais de Seine. Avec Félix Vallotton, il partage le goût d'une lumière inspirée de Vermeer. De Walter Sickert, il retient l'iconographie des lieux de spectacle, la peinture d'une chaire damnée. A Paris, Hopper adopte le style de l'Impressionnisme, une technique qui lui semble avoir été inventée pour dire l'harmonie, le plaisir sensuel. De retour aux Etats-Unis, Hopper adopte le réalisme ingrat de Bellows ou de Sloan, celui de cette Ashcan school dont il partage la vision dystopique. Pour gagner sa vie, il pratique une illustration commerciale que présentera l'exposition parisienne. C'est par la pratique de la gravure (à partir de 1915), que s'opère la métamorphose à l'issue de laquelle se « cristallise » (la formule est celle de l'artiste) la peinture de Hopper. Une salle de l'exposition est consacrée à l'œ,uvre gravée de l'artiste américain.
L'année 1924 marque un tournant dans la vie, dans l'œ,uvre de Hopper. L'exposition, au Musée de Brooklyn, de ses aquarelles des résidences néo victorienne de Gloucester, leur présentation à la galerie de Franck Rehn, lui valent une reconnaissance, un succès commercial qui vont lui permettre de se consacrer exclusivement à son art (il n'avait jusque-là vendu qu'un seul tableau, lors de l'Armory Show en 1913). Les aquarelles de Hopper ouvrent le second grand chapitre de l'exposition, qui présente les tableaux emblématiques du style, de l'iconographie emblématique du peintre américain. Un parcours chronologique permet de mesurer la continuité de son inspiration, le travail d'approfondissement de ses sujets de prédilection : les architectures qu'il dote d'une identité quasi « psychologique » (House by the railroad, 1924, MoMA), les personnages solitaires abîmés dans leur pensées (Morningsun, 1952, Columbus Museum of art), le monde du spectacle (Twoontheaisle, 1927, Toledo Museum of art), les images de la ville moderne (Nightawks, 1942, Art Institute Chicago).
Le réalisme apparent des peintures de Hopper, le processus mental et abstrait qui prévaut à leur élaboration, destinent ces œ,uvres aux revendications les plus contradictoires. Bastion de la tradition réaliste américaine, le Whitney Museum of art consacre à son œ,uvre des expositions régulières. C'est toutefois le MoMA de New York, temple du Formalisme qui, en, 1933, lui consacre sa première rétrospective. Son Directeur, Alfred Barr, salue un peintre qui « parvient dans nombre de ses peintures à réussir des compositions intéressantes d'un point de vue strictement formel. »
Cette complexité de l'œ,uvre de Hopper la place au croisement des deux définitions historiques de la modernité américaine : celle issue de l'Ashcan school qui revendique le principe baudelairien d'une modernité lié au sujet, celle issue des leçons de l'Armory Show qui, en1913, révèle au public américain le formalisme des avant-gardes européennes (cubisme et cubo futurisme). Dans les années cinquante, l'étrangeté « surréelle », la dimension « métaphysique » de sa peinture vaut à Hopper d'être rapproché de De Chirico. Au même moment, dans les colonnes de la revue Reality, le peintre s'associe aux artistes du réalisme américain pour dénoncer l'art abstrait qui, selon eux, submerge collections et musées.
Quelques mois à peine après la mort de l'artiste, réconciliant réalisme et art d'avant-garde, le commissaire de la section américaine de la Biennale de Sao Paulo Peter Seltz organise une exposition des œ,uvres de Hopper qu'il associe à la génération des artistes Pop.
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Commissariat : Didier Ottinger, directeur adjoint du MNAM —, Centre Pompidou.
Publications aux éditions de la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais, Paris 2012 :
- catalogue de l'exposition : 384 p., 197 ill. disponible en versions française, anglaise et allemande, env. 45 €
- écrits et propos, Edward Hopper : Introduction et commentaires par Didier Ottinger. 11x 19 cm, broché, 128 p., 20 ill. 9,90 €
- nouvelles, Edward Hopper, par des auteurs américains, espagnols et français. Introduction par Alain Cueff, 144 p., 18 €
>>Lire aussi Edward Hopper à Lausanne
- 10 octobre 2012 —, 28 janvier 2013
- Grand Palais
Entrée Champs-Elysées
- Horaires :
Tous les jours sauf le mardi de 10h à 22h (dimanche et lundi jusqu'à 20h)
- Tarifs : Plein tarif : 12 euros / Tarif réduit : 8 euros
(13-25 ans, demandeur d'emploi, famille nombreuse) /Gratuit pour les moins de 13 ans bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse.
- Exposition organisée par la Réunion des Musées Nationaux —, Grand Palais et le musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, en partenariat avec le Centre Pompidou.
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