Le dernier roman de Judith Katzir, traduit de l'hébreu.
Chère Anne, une histoire bouleversante, magnifique, est le deuxième roman paru en France de Judith Katzir, une jeune écrivaine israélienne.
« Maintenant, avant que tout le monde se lève, je vais ramasser toutes ces fleurs de larmes séchées et les jeter à la poubelle, je vais ouvrir la fenêtre de la cuisine, permettre aux oiseaux d'Escher de quitter cette histoire et de prendre leur envol jusqu'au fond du ciel, dans un battement d'ailes blanches et noires, je me séparerai de cette cachette, que je porte en moi depuis vingt-cinq ans, c'est le secret de ma faiblesse et le secret de ma force, je permettrai à la jeune femme que tu as été, et à la fillette que j'ai été, de reposer à jamais dans les plis du temps, que nul horloger, nul auteur ne pourra plus réparer. »
Voici comment s'achève cette histoire bouleversante, magnifique. Ce passage, mieux que tout commentaire, donne le ton de ce roman.
Le récit s'ouvre sur la mort de Michaela, à la suite de laquelle la narratrice va déterrer les journaux qu'elle écrivait quand elle n'était encore qu'une collégienne, à l'âge où le journal intime tient le rôle de confident. En fait, ces journaux se présentent sous forme de lettres que la narratrice adresse à cette « chère Anne », et qui n'est autre qu'Anne Franck, dont elle vient de lire le journal.
Une passion pas simple
Cette confidente imaginaire devient le réceptacle de la passion amoureuse que va connaître l'adolescente avec Michaela, sa jeune prof de littérature. Cette rencontre bouleverse la vie de cette jeune collégienne israélienne, mal dans sa peau depuis la séparation de ses parents. Michaela encourage ses talents littéraires, lui fait découvrir la beauté du monde environnant, la volupté. Elles se lancent à corps perdus dans cette passion, dans un cadre naturel particulièrement propice à cette histoire hédoniste qui bouscule morale et conformisme. Elles transgressent les tabous en s'efforçant de garder leur secret car Michaela est mariée et la narratrice mineure.
Un jour, tu écriras notre livre
Dans la deuxième partie de ce roman empreinte de mélancolie, la narratrice, devenue une romancière réputée et une mère de famille épanouie, se penche sur son passé, se pose des questions sur l'écriture, sur sa vie, sur cet amour qui a marqué son adolescence et qu'elle porte encore en elle après la mort de Michaela, qui lui a murmuré peu avant sa mort : « Un jour, tu écriras notre livre... il aura des pages bleues et des pages marron, qui se parleront comme le ciel et la terre, comme les plantes et les étoiles. »
Ce que j'aime particulièrement dans ce roman, c'est l'alliance entre l'audace narrative, totalement dépourvue de mièvrerie, de fausse retenue et la subtilité d'une écriture poétique très bien servie par la traduction.
Sur la romancière
Judith Katzir est née à Haïfa en 1963, a fait des études de littérature et de cinéma à l'université de Tel-Aviv. Chère Anne est son deuxième roman traduit en français, après La mer est là, traduit par Laurence Sendrowicz, également aux éditions Joëlle Losfeld, 2003.
Chère Anne de Judith Katzir
-Traduit de l'hébreu par Ziva Avran et Arlette Pierrot
- Ed. Joëlle Losfeld. 349 p. 22,50 €
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