Au Petit Palais, du 16 octobre 2008 au 11 janvier 2009
On connait le talentueux cinéaste Akira Kurosawa, (1910-1998). Mais connait-on ses dessins ? Le Petit Palais révéle
au public le fabuleux dessinateur que Kurosawa a aussi été grâce à une rétrospective inédite en France. 87 dessins, conçus pour ses
derniers films (Kagemusha, Ran, Rêves, Madadayo, Umi
Wa Miteita) aux crayon, encre, aquarelle, pastel sur papier à dessin ou à lettres.
Akira Kurosawa, (1910-1998) est universellement connu comme un des cinéastes les plus
éminents de la seconde moitié du XXe siècle. Mais connait-on le dessinateur Akira
Kurosawa ?
Grâce à une rétrospective inédite en France, regroupant 87 dessins, conçus pour ses
derniers films, le Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, souhaite révéler
au public le fabuleux dessinateur qu'il a aussi été.
Cette exposition révèle une facette méconnue du cinéaste,
dessinateur exceptionnel, mettant le trait et la couleur au
service d'une force émotionnelle rare. Elle permet au
visiteur de parcourir la carrière du maître en cheminant
parmi ses dessins, sorte de parcours initiatique, thème
cher à Kurosawa.
Ces dessins ne peuvent se résumer à un travail préparatoire
à la réalisation de ses films.
Conçus comme des oeuvres autonomes, ils sont accessibles
à tous y compris à ceux qui n'auraient pas la chance
d'avoir vu ses films. Synthèse originale des cultures
orientales et occidentales, par leur force expressionniste,
ces dessins reflètent la personnalité de Kurosawa, son
enracinement dans le patrimoine japonais comme son
admiration pour l'art de Van Gogh, Cézanne, Chagall ou
Rouault et la lecture de Shakespeare, Dostoïevski ou
Tolstoï.
Descendant de samouraïs, Kurosawa est né dans le Japon de l'ère Meiji. C'est
indéniablement cette atmosphère particulière, son environnement qui le poussent très tôt
à assouvir sa soif pour l'art occidental. Après avoir été tenté par une carrière de peintre, il
s'oriente vers le cinéma. Ce n'est qu'en 1978 que Kurosawa recommencera à peindre. Les
dessins du film “Kagemusha” (l'ombre du guerrier) l'aideront à trouver les fonds
nécessaires à la réalisation de son film qui relancera sa carrière en France. Il recevra
d'ailleurs la Palme d'or au festival de Cannes et le César du meilleur film étranger.
Le grand cinéaste nous a laissé également quelques clefs pour décrypter les étapes d'un
processus créatif complexe : « Il y a une multitude de choses auxquelles je pense lorsque
je dessine des story-boards. Le cadrage de l'endroit, la psychologie et les émotions des
personnages, leurs mouvements, l'angle de camera nécessité par la capture de ces
mouvements, l'éclairage, le costume et les accessoires [...] Si je n'ai pas pensé aux
spécificités de toutes ces choses, je ne peux pas dessiner l'image.
À moins qu'il ne soit plus exact de dire que je dessine des story-boards pour penser à ces
choses. De la sorte, je cristallise, fertilise et saisis l'image de chaque scène dans un film
avant de le voir clairement. Ce n'est qu'à ce moment que je procède véritablement au
tournage. Cependant, il semble que ce processus ne prenne réellement forme dans mon
esprit que lorsque j'écris le scénario car je trouve souvent toutes sortes de dessins au dos
de mes brouillons non utilisés. »
Grâce à ces dessins, Kurosawa peut ainsi apparaître comme un pont entre l'Extreme-Orient
et l'Occident.
Dans un entretien, il parle du grand peintre japonais Ryûzaburô Umehara qui fut lui-même
influencé par les coloris de Renoir, sans renoncer totalement aux traditions nipponnes :
« Une fois, Umehara a vu mes dessins et les a trouvés très intéressants. Pourquoi ? Parce
que lorsque je crée des dessins pour un film, je ne me situe pas sur un plan artistique. Je
souhaite juste qu'ils servent aux acteurs et leur permettent de mieux saisir le sens ou
l'ambiance de certaines scènes. »
Les dessins ici rassemblés contiennent la même charge émotionnelle que les films de
l'artiste. Le choix savant des coloris, mettant l'accent sur les psychologies ou dramatisant
certaines scènes, est sans doute le secret de l'admiration qu'il a réussi à susciter.
PARCOURS DE L'EXPOSITION
L'accrochage des dessins sur un paravent conçut par le scénographe japonais Hiroshi
Naruse de l'atelier Kaba, reprend la chronologie des derniers films de Kurosawa.
KAGEMUSHA 1980
Cette première série de 22 dessins a une valeur
toute particulière dans la carrière du cinéaste.
Confronté à des problèmes de financement pour
réaliser Kagemusha, Akira Kurosawa décide de
dessiner des projets de scènes afin de montrer à
d'éventuels producteurs ce qu'il souhaite réaliser.
Il se met alors à peindre et c'est devant ces oeuvres
que les cinéastes et producteurs américains Francis
Ford Coppola et Georges Lucas tombent sous le
charme et décident d'aider Kurosawa à réaliser son
projet.
Ce film fut un grand succès dans les salles, notamment en France où il reçoit la Palme d'or
au Festival de Cannes ainsi que le César du meilleur film étranger.
L'histoire se déroule dans le Japon de la fin du XVIe siècle, au début de l'époque Azuchi
Momoyama. Le clan des Takeda, dirigé par Shingen Takeda, est en guerre contre Oda
Nobunaga et les Tokugawa. Un condamné à mort est gracié car il ressemble à Shingen et
devient dès lors son Kagemusha (l'ombre du guerrier) qui peut le remplacer dans les
circonstances délicates. Lorsque Shingen meurt suite à une blessure lors du siège du
château de Noda, le Kagemusha doit oublier complètement sa propre personne pour
devenir de façon permanente le double du puissant seigneur et protéger le clan Takeda
des attaques de ses ennemis.
Le Kagemusha se prend ainsi d'affection pour le petit-fils de
son maître et se lie d'amitié avec toute sa suite. Katsuyori Suwa, fils de Shingen, supporte
mal d'être ainsi rabaissé au second, derrière un ancien bandit et les vassaux de son défunt
père.
Lorsque la supercherie est découverte, Katsuyori livre bataille à Oda Nobunaga et aux
Tokugawa à Nagashino. En ne respectant pas les dernières volontés de son père, il conduit
le clan Takeda à sa perte.
Ce récit est un questionnement sur le sens de la guerre. Il invite le spectateur à réfléchir à
d'importants concepts philosophiques tels que la définition de l'identité ou encore
l'ambition. À la fin du film, le Kagemusha ne supportant plus d'être l'ombre d'un mort et
ne pouvant se résoudre à redevenir l'homme qu'il était autrefois va retrouver son maître
au fond des eaux du lac Suwa.
Petit Palais, Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris- Akira Kurosawa, dessins - 16 octobre 2008 - 11 janvier 2009
RAN 1985
Les 28 dessins présentés sont de Véritables miroirs
des tableaux du film, ils soulignent le formidable
sens de la dramaturgie du maître qu'était
Kurosawa. La savante galerie de portraits qu'il a
dessinée nous rappelle l'esthétique des masques du
théâtre nô. Les traits des personnages suivent ici les
contours de leurs psychologies. Le visage du vieil
Hidetora n'est pas sans rappeler les monomaniaques
brossés par Géricault dans le futur service de
psychopathologie du professeur Charcot à la
Salpetrière.
Synthèse du film de samouraïs et du Roi Lear de William Shakespeare, Ran (chaos) est une
merveille du cinéma.
Ce chaos résulte de la combinaison de l'échec de
la passation de pouvoir du vieil Hidetora
Ichimonji à ses trois fils et de la soif de
vengeance de Dame Kaede, belle fille d'Hidetora
dont la famille a été assassinée par ce dernier.
La vision de ses fils qui lui font la guerre, pour
finalement s'entretuer en ruinant son domaine,
le rend fou. Il perd tout et se retrouve errant,
affamé, sur ses propres terres après avoir vu
brûler son château natal. Il trouve finalement
refuge dans les ruines de celui de la famille sa
belle fille Dame Sue, qu'il a lui-même rasé. C'est
là qu'il sera harcelé par sa conscience, par le
souvenir des horreurs qu'il a commises et même
par le pardon de Dame Sue et de son frère
Tsurumaru.
Les thèmes principaux du film sont la vengeance et la
folie. La vindicte de Dame Kaede s'oppose à la
compassion de sa belle-soeur Sue. La folie d'Hidetora
n'a d'égale que la franchise de Saburo son dernier fils
qui est à Ran ce que Cordélia est au Roi Lear. Enfin,
ce récit souligne la fragilité de la destiné humaine. Le
vieux seigneur qui aurait pu finir ses jours en paix
perdra tout y compris de pouvoir exécuter le
seppuku, autrement dit, se donner la mort dignement
par le suicide rituel lors de la prise du troisième
château.
Petit Palais, Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris- Akira Kurosawa, dessins - 16 octobre 2008 - 11 janvier 2009
REVES 1989
La série de 23 dessins préparatoires à ce film
est aussi originale que ce projet. On y retrouve
de multiples références picturales aux peintres
tant admirés par l'artiste tels que Marc Chagall,
Georges Rouault et évidemment Vincent Van
Gogh.
Akira Kurosawa met en image une série de huit courts métrages de ses propres songes en
un film sobrement intitulé Rêves.
Le premier, Soleil sous la pluie, présente Akira Kurosawa à l'âge de cinq ans assistant au
mariage de renards dans une forêt.
Le Verger aux pêchers nous montre l'apparition de poupées personnifiant l'âme de pêchers
dans un verger.
La Tempête de neige relate l'improbable rencontre entre la fée des neiges et un Kurosawa
alpiniste bloqué par le blizzard sur un glacier.
Dans Le Tunnel, l'artiste rêve qu'il est le dernier survivant de la troisième section et
rencontre ses anciens camarades de combat tombés au champ d'honneur, à commencer
par le soldat Noguchi.
Au travers des Corbeaux, il nous offre un vibrant hommage à Van Gogh ce dernier étant
interprété par Martin Scorsese.
Suivent ensuite trois courts métrages (Le Mont Fuji en rouge, Les Démons rugissants et Le
Village des moulins à eau) donnant une vision pessimiste du progrès et de ses dangers où
l'on peut lire, entre autres, le traumatisme des deux attaques nucléaires sur le Japon à la
fin de la Seconde Guerre mondiale.
« Ce sont huit histoires qui racontent des rêves.
Les émotions assoupies dans nos coeurs,
les espoirs secrets que nous tenons bien cachés en nous, les sombres désirs et les craintes
que nous recelons dans un recoin de notre âme, se manifestent avec honnêteté dans nos
rêves. Ils traduisent ces sentiments, et les expriment, de façon fantastique, dans une
forme très libre. Dans ce film, je veux essayer de relever le défi de ces rêves. Certains
proviennent de l'enfance, mais il ne s'agit pas d'un film autobiographique, plutôt de
quelque chose d'instinctif. »
MADADAYO 1993
Dans ses dessins, on ressent, grâce au choix subtil des couleurs, l'atmosphère intime et
chaleureuse que Kurosawa a souhaité donner à ce film.
Madadayo est le dernier film entièrement réalisé par Akira Kurosawa.
Inspiré des travaux littéraires et de la vie d'Hyakken Uchida, cette histoire raconte la
retraite de ce dernier. Le professeur d'allemand met fin à trente ans de carrière, mais ses
anciens élèves continuent de revoir leur maître à chacun de ses anniversaires.
Le film débute en 1943, pendant le Seconde Guerre mondiale.
Une succession de petites
histoires ponctuent le film : la perte du chat d'Hyakken, la destruction de la maison du
professeur qui trouve refuge dans une cabane. Mais immuablement, chaque année, tout le
monde se retrouve autour d'un verre, dans une atmosphère rappelant celle des films de
John Ford qu'aimait Kurosawa.
Comme dans Rêves ou Kagemusha, un monde onirique met en abyme les pensées des
différents protagonistes, selon un procédé décrit par Gaston Bachelard. Le titre du film
fait référence à une comptine. À chaque anniversaire, les élèves demandent à leur
professeur « Maada kai ? » (Es-tu prêt ?) qui répond invariablement « Madadayo ! » (Pas
encore), leur signifiant ainsi que la mort peut attendre.
UMI WA MITEITA 2002
Cette série de dessins est sans doute la dernière
que Kurosawa réalise. Ils serviront de guide à Kei
Kumai lorsque ce dernier décide de tourner Umi
Wa Miteita, 4 ans après la mort de Kurosawa
En observant les nombreux dessins réalisés pour
ce film, on est frappé par la minutieuse
recherche de détails.
Ainsi, de la coupe au choix
des motifs tissés des soieries de kimonos tout
tend vers une quête de raffinement extrême qui
exprime la délicate atmosphère de la maison de
geishas et de ses habitantes.
Umi Wa Miteita signifie La Mer regarde.
L'histoire se déroule dans l'atmosphère élégante de l'ère Edo, dans un hameau de maison
de geishas. La jeune O-Shin tombe facilement amoureuse de ses clients. L'un d'eux, un
jeune samouraï, lui laisse entendre qu'il l'épousera un jour, mais il se marie finalement
avec une fiancée de son rang, ce qui brise le coeur d'O-Shin. Grâce à l'affection des autres
geishas, O-Shin reprend goût à la vie et retombe amoureuse d'un malheureux garçon sans
ressources et suicidaire. Elle réussit à le détourner de ses funestes projets.
À son tour, ce garçon la sauve lorsque O-Shin manque de mourir au cours de violentes
inondations.
Commissaires :
- Gilles Chazal,
conservateur général,
directeur du Petit Palais
- Charles Villeneuve de Janti,
Conservateur du département
des Arts Graphiques XIXe-XXe siècles
Scénographie :
- Hiroshi Naruse
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Lire aussi : Hommage au cinéaste Akira Kurosawa (1910-1998)
- Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
- Akira Kurosawa, dessins
- 16 octobre 2008 - 11 janvier 2009
- avenue Winston Churchill - 75008 Paris
- Ouvert tous les jours de 10h à 18h, sauf les lundis et jours fériés - Nocturne les jeudis jusqu'à 20h
- www.petitpalais.paris.fr
- Akira Kurosawa, dessins
- 16 octobre 2008 - 11 janvier 2009
- avenue Winston Churchill - 75008 Paris
- Ouvert tous les jours de 10h à 18h, sauf les lundis et jours fériés - Nocturne les jeudis jusqu'à 20h
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