Fashion Mix au Palais de la Porte Dorée

Mode d’ici, créateurs d’ailleurs. So french, la haute couture. Et pourtant ! Sans des apports du monde entier, il est vraisemblable que Paris n'aurait jamais été considérée comme capitale mondiale de la mode. L'exposition Fashion Mix, organisée conjointement par le musée de l'Immigration à la Porte Dorée et le Palais Galliera, temple pour l'éternité de la Mode, est une salutaire piqûre de rappel.

La grande histoire de la mode et de Paris commence au milieu du XIXe siècle. Un jeune homme de 20 ans, attiré par la ville de tous les savoir-faire, débarque de son Angleterre natale et se fait embaucher par Gagelin, mercier honorablement connu sur la place. Ce jeune homme, c’est Charles Frederik Worth qui réalise très vite des robes sur mesure. Le 20 avril 1858, il ouvre avec son associé suédois Otto Gustave Bobergh sa propre maison de couture. Il a 33 ans. Il impose sa griffe à l'intérieur des vêtements, organise des défilés par saison pour présenter ses modèles, lance des modes, habille les stars de l'époque, l’impératrice Eugénie, la princesse de Metternich, la comtesse Greffulhe ou la comédienne Sarah Bernhardt. La haute couture est née. Et depuis la France n'a cessé d'accueillir des étrangers, certains sont restés, d'autres sont repartis ou font sans cesse des aller-et-retour, venant se ressourcer au bon air de la capitale.


Worth et Bobergh, robe de ville, vers 1869 Faille de soie,
toile de coton enduite Collection Palais Galliera, musée de la Mode
de la Ville de Paris © Eric Emo / Galliera / Roger-Viollet

La liste est longue, et certains ont fait oublier qu'ils venaient d'ailleurs. Elsa Schiaparelli, la Romaine, arrive en France dans les années 20, après un séjour à New-York. Elle connait très vite le succès en créant des sweaters en trompe-l’œil qu’elle réalise en collaboration avec une jeune Arménienne, Aroosiag Mikaelian. Elsa incarne l'élégance avec un léger brin de folie. Amie des surréalistes, de Dali, Man Ray, Cocteau ou Picasso, elle n'hésite pas à détourner des vêtements, à raconter Arlequin dans ses manteaux et à se mettre une chaussure sur la tête, célèbre chapeau créé pour Gala, la femme de Dali.


Elsa Schiaparelli, chapeau-chaussure, hiver 1937-1938
Feutre noir Collection Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris
© Eric Emo / Galliera / Roger-Viollet 


Cristóbal Balenciaga
, Basque de San Sebastian, crée dans sa ville des modèles au goût français. Chassé par la Guerre civile, il pose ses valises à l'Elysées Hôtel. Et commence alors une carrière indissociable de l'histoire de la couture. Fort de son histoire espagnole, il a créé un univers chic et hiératique à la fois, détournant les lunares (pois qui parsèment les toilettes de flamenco) et les volants de l'Espagne éternelle.


Cristóbal Balenciaga, ensemble robe et cape, haute couture P/E 1962.
Faille de soie imprimée Collection Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris
© Spassky Fischer 

Et puis il y a les créateurs japonais. Kenzo fut le premier, mais d'autres l'ont suivi, Issey Miyake, Rei Kawakubo et Yohji Yamamoto, posant leurs aiguilles et leurs ciseaux dans la capitale. L'art de l'estampe transposé dans la mode. Stylisme des formes, finesse des dessins, explosion des couleurs, jusqu'au noir qui devient lumineux. Certains parlent de destructuration lorsqu'ils parlent de ces créateurs japonais, je préfère parler de restructuration.

Entre les voiles et velours de Schiaparelli féminissimes et les capes comme une armure ou des robes comme des lampions de Issey Miyake, il y a un monde. Celui qui pourrait les réunir est sans doute Azzedine Alaïa, le styliste d'origine tunisienne qui, refusant une décoration, disait que sa plus belle décoration était sa naturalisation française. Génie de la coupe et maître de toutes les techniques, il a su faire du chic avec rien, et mettre en valeur la silhouette des femmes.

Ce tour de l'exposition est évidemment très incomplet et succinct, puisque tous ces maîtres de la haute couture ont fait école. Grâce à eux et à leurs élèves, Paris reste un passage obligé pour les jeunes créateurs, un épicentre et un centre névralgique de la création. Et demeure, pour l'éternité, un lieu où chacun peut trouver sa place et s'exprimer, d'où qu'il vienne.


Par Marie-Catherine Chevrier

Palais de la Porte Dorée – Musée de l'Immigration Paris 75012
Renseignements : http://www.histoire-immigration.fr/

 

Légende:
C'est un modèle de Yohji Yamamoto qui a servi de support à l'affiche © Monica Feudi et Carola Guaineri 

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